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La force du bien

La force du bien

Titel: La force du bien Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marek Halter
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 »…
    Il est possible que l’élan vers le Bien, que le sens de ce qui est juste soient parmi les rares dispositions de l’âme qui ne s’émoussent jamais. Mais, pour que des femmes comme Zofia Sterner deviennent exemplaires, pour qu’elles deviennent historiques , il faut un « passeur » – le mot est de Paul Ricoeur –, un individu qui puisse faire passer leurs histoires dans l’Histoire. L’idée m’émeut et me fait peur : serai-je à la hauteur de cette tâche ?
     
    Avec Alicia Szczepaniak, j’ai affaire à une personne d’une autre génération. Moins âgée que les deux Justes que je viens de rencontrer (elle avait treize ans en 1943), elle témoigne plus pour le courage de sa mère, décédée aujourd’hui, que pour le sien propre, qui, pourtant, fut bien réel. Depuis la mort de son père, en 1939, sa mère et elle habitaient le quartier de Praga. Elles logeaient dans une seule pièce, au premier étage, sans commodités ni le moindre confort, dans des conditions très dures. Là aussi une discrète cohorte, une litanie de désespérés, a trouvé refuge et protection, au prix d’incroyables astuces pour pouvoir, simplement, parvenir à manger. Mais comment ne pas aider des gens que l’on connaît, que l’on aime ?
    Alicia Szczepaniak se souvient :
    « J’étais d’accord pour les cacher. Je les plaignais, je plaignais leur sort, je savais comme c’était difficile. Pour ma mère et moi, après la mort de mon père, c’était très dur de se nourrir, de survivre. Mais eux, ils avaient affaire à bien pire que nous ! J’avais l’impression de comprendre le malheur – leur malheur à travers le nôtre. J’ai passé des mois, des années, à trembler. Il ne fallait pas faire de bruit dans notre “ appartement ”, avec Tatiana et Nina que l’on cachait dans l’armoire quand une voisine venait. Parce qu’il fallait se méfier des voisins. Jamais ils n’ont pu savoir que tant de Juifs sont passés chez nous ! On n’avait presque rien à manger – que de la soupe préparée par ma mère avec des épluchures de pommes de terre grasses qu’elle rapportait de la cantine de l’institution d’artisanat où elle travaillait. Mais personne n’a su… Il y a eu une alerte terrible avec les Allemands qui ont fouillé tout l’immeuble. J’étais seule. Je n’ai pas ouvert. Une voisine est sortie leur dire qu’il n’y avait pas d’homme dans cet appartement. Ils n’ont pas insisté… Une autre fois, un groupe d’Allemands s’est mis à tirer juste sous nos fenêtres : ils ont blessé un jeune garçon qui leur avait dérobé, comme tant d’autres le faisaient, du charbon et des pneus. J’ai eu très peur, ces deux fois-là. Je me suis mise à vivre dans une angoisse permanente. Cette angoisse était horrible parce que j’imaginais que ce pouvait être la fin à tout moment : la fin de ces Juifs, la fin pour ma mère, pour les voisins, pour moi… Mais aucun de nos amis juifs n’a été pris. »
    Je lui pose la même question qu’aux autres :
    « Madame Szczepaniak, cinquante ans plus tard, si la situation redevenait aussi terrifiante qu’à l’époque, recommenceriez-vous à aider des Juifs en détresse ?
    — Oui, oui. J’essaierais même de faire plus. Je ne souhaite à personne que ça recommence, à personne ! Mais vous savez, ma mère, après la fin de la guerre, avait des remords – oui, des remords ! Elle se disait qu’elle n’avait fait que très peu de choses pour ces gens, très peu… Qu’elle aurait peut-être pu, qu’elle aurait dû, mieux s’organiser… Il n’y aura plus jamais une telle situation ! Espérons-le. Espérons-le fort, pour nos enfants, pour nos petits-enfants…
    — Souhaitons-le, oui. Mais comment expliquez-vous que si peu de gens aient pris le risque de sauver des Juifs, comme votre mère et vous l’avez fait ?
    — Il y avait bien des raisons à ça… Mais, tout d’abord, il y avait la peur, monsieur. Je sais qu’il y avait des maisons, des familles avec des hommes, des femmes, des enfants, et les gens avaient peur pour leurs enfants, pour leurs femmes, pour eux-mêmes, peur pour tout. J’admirais d’autant plus ma mère. Chez nous, on était sans homme, plus de père, de mari. Peur ou pas, homme ou pas, elle a pris sa décision, et elle s’y est tenue !»

9.
    «  Ouvrez-moi la porte du Juste ! » s’exclament les Psaumes ( CXVIII , 19). Ce vers est, en français, traduit par : «  Ouvrez-moi

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