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La force du bien

La force du bien

Titel: La force du bien Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marek Halter
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pourront jamais tuer en l’homme. Et cette compassion, on le voit avec un être de la trempe de Berthold Beitz, est susceptible de surgir chez tout individu, y compris chez l’un de ceux que le sort peut avoir placés dans le camp des maîtres, dans le camp des bourreaux. Venu de l’intérieur du monstre, ce Juste a épargné à des centaines de Juifs ce qui devait être leur dernier voyage.
     
    «  De tout ce qu’il est possible de concevoir dans le monde , écrit Kant, le compatriote de Beitz, et même en général hors du monde, il n’est rien qui puisse sans restriction être tenu pour bon, si ce n’est seulement une volonté bonne . »
    C’est peut-être grâce à cette volonté bonne mais dangereuse, à l’époque du nazisme, pour eux-mêmes et pour leurs proches, que des Justes tels que Berthold Beitz ont prouvé que l’on pouvait certes faire son devoir – mais pas à l’encontre de la Justice. Kant, de son côté, avait prévenu : «  Si la Justice disparaît, c’est chose sans valeur que le fait qu’il y ait des hommes sur la terre  » ( Doctrine du droit , II , 1).
     
    Avant que je ne prenne congé de lui, Berthold Beitz me confie :
    « J’ai maintenant plus de quatre-vingts ans. Eh bien, je peux dire que j’ai fait quelque chose qui n’a certes pas eu de retombées économiques, non, mais à coup sûr des conséquences humaines – et ça me paraît beaucoup plus important. Mes enfants, mes petits-enfants, mes arrière-petits-enfants le sauront. C’est ce qu’il faut. Au fond de moi, je suis fier d’avoir aidé tous ces Juifs à échapper aux trains de la mort. Mais, en vérité, comment aurais-je pu vivre si je ne l’avais pas fait ? Avec quelle insupportable mauvaise conscience ? Non, il n’y avait pas d’autre solution, pas d’autre choix possible !… »

19.
    Le récit de Berthold Beitz me fait penser à cette autre histoire qui a inspiré le film de Steven Spielberg, La Liste de Schindler . Or, même si Oskar Schindler avait été encore en vie, je n’aurais pas intégré son histoire dans ce livre. Parce qu’elle raconte la vie d’un homme qui appartient à une autre catégorie que celle des Justes, à la catégorie des Baal Techouva en hébreu, des « repentis », de ceux qui reviennent dans le droit chemin.
    Face à ses amis les bourreaux, Oskar Schindler a d’abord ressenti de l’admiration, puis, beaucoup plus tard, un dégoût, qui l’a détourné d’eux.
    Face aux mêmes bourreaux, Berthold Beitz, en revanche, est emporté par la révolte.
    Oskar Schindler était le héros d’une tragédie classique revue et corrigée sous l’angle du western. C’est peut-être la raison pour laquelle il a séduit Spielberg. Comme dans les westerns, l’histoire commence dans un monde innocent qui, tout à coup, est confronté à la violence et à la mort. Cela se passe toujours dans un village d’un quelconque pays. Un jour ses habitants assistent, effrayés, à l’arrivée d’une horde de hors-la-loi. Après avoir dévalisé les coffres-forts de la banque du village, enlevé les troupeaux des fermiers et brûlé leurs récoltes, les gangsters décident de pendre quelques villageois. Par plaisir. Face à cette manifestation collective de la « pulsion de mort » se réveille alors la conscience d’un ou de plusieurs gangsters. Celui, parmi eux, qui ne supporte pas cette suprême injustice est bien souvent le plus intelligent de la bande, qui dégaine et tire plus vite que ses compagnons. Aussi réussira-t-il à sauver la vie des condamnés et à regagner la confiance du village. Après avoir participé à la chevauchée du Mal, voici que notre homme se trouve sur la ligne de défense du Bien…
    Or un Juste, même s’il partage nos faiblesses et nos travers, ne se retrouvera jamais, même pour un moment, du côté des bourreaux. En revanche, dès que la barbarie se manifestera, il tentera, lui, de sauver des vies.
    La trajectoire d’Oskar Schindler pose encore un problème : celui de la relation entre le sauveur et le sauvé. Pour sauver un être, le sauveur doit-il l’aimer ? Doit-il aimer le persécuté ? Et cet amour est-il nécessaire pour que le sauvetage ait lieu ?
    Récapitulons : Oskar Schindler est nazi. À Cracovie, tout près d’Auschwitz, il utilise la main-d’oeuvre gratuite des esclaves juifs pour s’enrichir. Aussi bien que ses compagnons, il sait que les Juifs qui travaillent pour lui vont mourir. Toutefois, ce fait ne le

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