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La force du bien

La force du bien

Titel: La force du bien Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marek Halter
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ont caché des Juifs pendant la guerre. En route, traversant une région parsemée de moulins à vent, je repense soudain à cette phrase de Don Quichotte : «  Une bonne expérience est plus merveilleuse qu’une mauvaise possession…  » Je souris en moi-même et me demande si par hasard, au cours de cette recherche sur les mécanismes du Bien, je ne découvrirais pas plus facilement l’horlogerie de l’espoir.
    Je suis accompagné de Sira Sodentrop, épouse du grand rabbin de Haarlem, qui fut sauvée, jadis, par Annie Baetsen. Celle-ci appelle Sira sa « fille aînée », et très longtemps Sira a appelé « maman » sa sauveteuse. Nous reviendrons tout à l’heure sur cette filiation.
    Annie Baetsen, malgré ses soixante-treize ans, paraît encore jeune. Voici un demi-siècle, lorsqu’elle sauvait des Juifs, elle avait à peine plus de vingt ans. On ne saurait oublier ce décalage, cette distance qui reviennent sans cesse dans cette recherche des Justes : je parle à des gens âgés de leur action de jadis, qu’ils ont menée alors qu’ils étaient très jeunes, à une époque où le choix qu’ils faisaient entraînait la mort ou sauvait une vie. Mais, en raison inverse de cette distance dans le temps, l’intensité des souvenirs qui restent liés à ces événements n’a pas faibli. Annie Baetsen, comme d’autres Justes que j’ai déjà rencontrés, garde une conscience très vive de cette époque.
    « Nous étions dans la Résistance avec mon frère, me dit-elle. À la maison, nous cachions des antifascistes, des résistants. Un soir, en février 1944, il a fallu héberger des Juifs : le père et la mère de Sira. Ils fuyaient, ils étaient en danger partout. Un mois plus tard, Sira est venue à son tour. Elle avait un an ! Et puis il y a eu d’autres Juifs, quantité d’autres Juifs et des malades, et des blessés, ici. Il fallait se méfier. Dans le pays, il y avait des gens du NSP, des nazis hollandais, qui surveillaient tout.
    — Est-ce que vous connaissiez des Juifs, avant la guerre ?
    — Non. Ceux qu’on a hébergés venaient d’Amsterdam, des villes.
    — Oui mais, d’une manière générale, un Juif, c’était quoi, pour vous ?
    — On n’avait jamais fait attention si c’était des Juifs ou autre chose. Mais, quand on a eu des Juifs à la maison, on n’a plus accepté personne d’autre. Par prudence. Il pouvait y avoir des antisémites partout, y compris même, peut-être, chez certains de nos amis. On pouvait être trahis nous aussi. J’ai toujours dit à tout le monde que Sira était de la famille. J’ai inventé plein de choses à son sujet…
    — Ici, c’était une ferme. Quelle était votre activité ?
    — Je m’occupais de la maison : du ménage, du ravitaillement. Il fallait faire le pain soi-même et cultiver nos légumes. Parfois on allait au village pour chercher ce qui manquait, mais on y perdait des heures et des heures. Par bonheur, on avait quand même des cartes de rationnement, parce que mon frère, à l’époque, était clerc de notaire, et il avait été placé au bureau de distribution. Mais, tout de même, des heures d’attente pour tout… Les coupons de rationnement, ne m’en parlez plus ! Il y avait plein de monde à la maison, et ma soeur aussi, qui venait d’avoir un bébé. J’étais moi-même enceinte, et seule pour tout régler, pour faire tourner la maison, nourrir tout le monde ! D’autant que, figurez-vous, c’était la ligne de front par ici. Les Allemands étaient dans le coin, et tout ce grand champ, devant vous, était miné. Pour aller au village, il fallait contourner la maison et passer par l’arrière !
    — Aviez-vous peur ?
    — Non, non. À l’époque, non. Et puis, un beau jour, une voisine me dit : “ Mais tu caches une petite fille juive ici ! Tu n’es pas folle ? Il y a plein de traîtres dans le secteur, plein de NSP – rien que des fascistes ! Il faut partir ! ” À ce moment-là on a déménagé, on est allés s’installer à Drenthe. Là-bas, on entendait les gens chuchoter, à propos de Sira, des choses du genre : “ C’est pas une gosse de sa famille, c’est peut-être une Juive ”, et j’ai commencé à avoir peur d’une dénonciation. Un jour, j’ai fait venir un médecin que je ne connaissais pas, bien sûr – c’était au hasard –, mais Sira était très malade. Ce médecin a aussitôt deviné. Il m’a dit : “ Tu as de la chance ; j’aurais pu être un

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