La France et les étrangers: du milieu du XIXe siècle à nos jours
extrêmement pesante. Et alors, on a tous compris ce que c'était, parce que cela ne ressemblait à rien de ce qui existait en ce monde... ª
Jorja tremblait de plus en plus. Elle se revit sur le parking du restaurant, elle tenait Marcie dans ses bras et avait les yeux levés vers l'engin fabuleux. Il glissait dans la nuit de juillet et c'e˚t été l'image même de la sérénité sans ces grondements et ces sifflements.
Sandy avait dit vrai: dès l'instant o˘ ils s'étaient rendu compte que la lune ne tombait pas vers la terre, ils avaient tous compris la nature de ce qu'ils contemplaient. Pourtant, ce vaisseau ne ressemblait en rien aux soucoupes volantes et aux fusées décrites dans des milliers de romans, de films et de feuilletons de télévision. Il n'avait rien de fantastique-en dehors de son existence !-et ne présentait ni antennes hérissées, ni carapace faite de quelque métal inconnu, ni tuyères, ni architecture exubérante, ni armes effrayantes. La lueur écarlate qui l'enveloppait n'était apparemment rien d'autre qu'un champ d'énergie lui permettant de se mouvoir. Ce n'était qu'un cylindre d'une taille considérable, bien que plus petit que le fuselage d'un DC3, par exemple. Il devait mesurer une bonne quinzaine de mètres de long, peut-être même vingt, et quatre ou cinq mètres de diamètre; il était arrondi à chaque extrémité, comme un b‚ton de rouge à lèvres usé à
chaque bout. Une coque était visible à travers le champ d'énergie: elle n'avait aucune caractéristique particulière, si ce n'est des marbrures certainement causées par le temps et d'incroyables tribulations. En esprit, Jorja le revit qui descendait, passant par-dessus le restaurant, vers la nationale 80, tandis que les chasseurs qui l'escortaient multipliaient les loopings et les passages en rase-mottes dans le ciel, de l'est à l'ouest.
Maintenant comme en cette nuit miraculeuse, son coeur battait fort et des émotions contradictoires sou-levaient sa poitrine; elle avait l'impression de se tenir devant une porte qu'il suffirait de pousser pour connaître le sens de la vie, une porte dont on venait soudain de lui donner la clef.
Sandy continua: ´Le vaisseau s'est posé dans la campagne, non loin de la nationale 80, à cet endroit que nous trouvions si spécial sans même savoir pourquoi. Les avions tournaient autour. Tous les clients du motel et du restaurant voulaient aller voir, rien n'aurait pu les en empêcher. Nous nous sommes entassés dans les voitures et les camionnettes...
- Faye et moi avons pris la fourgonnette du motel ª, dit Ernie. Sa respiration était tout à fait normale, comme si la chaleur du souvenir avait consumé
sa nyctaphobie. ´ Dom et Ginger sont montés avec nous. Ainsi que ce joueur professionnel de Reno, Zebediah Lomack. C'est pour cela qu'il a écrit nos noms sur les posters accrochés dans sa maison. Un vague souvenir de ce trajet en fourgonnette avait d˚ lui revenir.
- Jorja, son mari, Marcie et d'autres personnes sont venus avec nous, dit Sandy. Brendan, Jack et les autres sont partis avec des étrangers mais, d'une certaine façon plus personne n'était vraiment étranger.
quand on s'est arrêtés sur la nationale, il y avait aussi des gens qui arrivaient d'Elko. Ils avaient garé leurs véhicules n'importe o˘, ils observaient le vaisseau. La lueur avait beaucoup diminué, elle n'était plus rouge sang mais couleur d'ambre. Des buissons avaient pris feu tout autour. C'est drôle... tout le monde regardait cela dans le plus grand silence, personne ne parlait ni ne criait. On n'osait pas avancer. On avait l'impression d'être au bord d'une falaise... mais que si l'on sautait, on ne tomberait pas... au contraire, ce serait une montée. Je n'arrive pas à expliquer ce que je ressentais, mais vous comprenez. Vous comprenez, j'en suis s˚re. ª
Jorja comprenait. Elle éprouvait maintenant, comme elle l'avait éprouvé alors, le sentiment, merveilleux au point d'en être presque insupportable, que l'humanité
avait jusqu'ici vécu dans une boîte noire et que le couvercle venait de sauter. Le sentiment que plus jamais la nuit ne serait aussi sombre et inquiétante, ou l'avenir aussi angoissant que par le passé.
Ét je me tenais là, reprit Sandy, regardant ce vaisseau lumineux, si beau, si incroyable, posé devant moi... et ce fut comme si tout ce qui m'était arrivé
depuis mon enfance, tous les sévices, toutes les souffrances, toutes les terreurs... comme si tout cela
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