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La gigue du pendu

La gigue du pendu

Titel: La gigue du pendu Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Ann Featherstone
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« lisait cette affaire » et nous décrivait tout ce qui se passait, avait le rôle le plus important. Il restait environ quatre pages avant la scène de transformisme (Mr Carrier avait beaucoup insisté pour qu’il y en ait une, au grand dégoût de Trim), et le patron menait bon train l’équipe des pirates vers l’instant de triomphe où ils capturent le bateaux aux esclaves, les libèrent, mettent la main sur le trésor, et où le beau héros, Redland Strongarm (l’héroïque flibustier campé avec brio par Will) retrouve Susan Goodchild (Miss Bella Jacques), fille vertueuse du laitier Goodchild, vêtue des oripeaux d’Elenore, la femme pirate.
    « Oh, s’est écriée Susan, je suis découverte. Dois-je me rendre ou résister les armes à la main ? Que faire ? Où fuir ? Tout autour de moi n’est que terreur et distraction !
    — Destruction, a marmonné Trim qui est très chatouilleux sur les mots.
    — Oh, comme j’aimerais que mon bien-aimé James soit ici ! Alors je partagerais avec lui mon terrible secret ! Je lui révélerais l’affreuse vérité ! Il m’aime, moi la douce et chaste Susan Goodchild. Mais m’aimera-t-il encore quand il saura que je suis Éléonore, reine des pirates des hautes mers et maîtresse d’Hisp… Hisp…
    —  Hispaniola , a corrigé Trim. Et vous vous appelez Elenore, pas Éléonore. »
    Se faire reprendre n’a pas plu à Miss Jacques (qui n’est pas plus française que moi), elle a aspiré ses joues à l’intérieur, puis soufflé entre ses dents en émettant un sifflement. Elle est certes bonne actrice, mais piètre lectrice. La voir ainsi penchée sur ses répliques, le doigt suivant chaque mot comme pour le faire sortir de la page, était pour nous tous un vrai supplice. D’habitude, elle avait à ses côtés Mrs Crockett, une vieille décatie qui, d’après Mr Lombard, avait fait l’objet de nombreux toasts dans le quartier, mais aujourd’hui trinquait seule tous les soirs avec un mauvais gin et subissait l’indignité d’être le Boswell du piètre Johnson 1 que campait Miss Jacques. C’est donc Mrs Crockett qui lui murmurait les mots à l’oreille et l’aidait à mémoriser son texte, malgré toutes les avanies que la jeune femme lui faisait subir. Hélas, ce jour-là, Mrs Crockett était indisposée, et notre comédienne principale devait par conséquent se débrouiller seule. Faisant fi de l’auteur, c’est au directeur qu’elle s’est plainte.
    « Je dois protester, Mr Carrier, au sujet de la mauvaise qualité du texte. »
    Courbé sur sa petite table, Mr Pocock a soudain relevé la tête : c’est lui qui rédigeait les copies (une tâche parmi ses nombreuses attributions).
    « C’est toujours pareil, a-t-elle tempêté d’une voix qui enflait davantage à chaque syllabe, c’est tout bonnement affreux ! Comment peut-on lire ce merveilleux drame dans ces conditions, je n’en ai pas la moindre idée ! »
    Elle a adressé à Trim son plus beau sourire.
    Je savais gré à Miss Jacques de ne pas me prêter attention, ni à moi ni à mes chiens. Car être dans sa ligne de mire c’était s’exposer à l’une de ses explosions, et quand elle était ainsi assise, telle une duchesse, sa petite cape sur les épaules, avec cette plume ridicule à son chapeau qui se balançait, toisant le monde – sauf Trim, bien sûr – d’un air courroucé, elle ne se montrait guère accommodante. Seul Mr Carrier savait naviguer dans ces eaux troubles.
    « Je vais demander à Mr Pocock de s’en occuper, Bella, a-t-il répondu gentiment, tandis que l’homme en question fixait sur elle un regard très hostile. Bien, continuons maintenant jusqu’à la fin de la scène – et du drame. Ensuite, nous pourrons tous vaquer à nos occupations. »
    Un murmure d’approbation s’est élevé, car la cloche sonnait le déjeuner au Bell and Leper , à l’unisson des estomacs qui gargouillaient sur scène. Miss Jacques a repris sa place, et son index ganté est revenu à l’endroit où elle s’était arrêtée sur la page.
    « Oh, James ! Mon amour ! Mon tendre James ! Comme il me serrerait dans ses bras ! Comme il lutterait contre ces gibiers de potence !
    — Ah, Susan ! Ma bien-aimée pirate ! Ton James est là ! » s’est écrié Will en prononçant ces mots avec toute l’emphase héroïque dont il était capable.
    Car Redland Strongarm, comme chacun sait, n’est autre que James Moreland, le fiancé de Susan, expédié

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