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La gigue du pendu

La gigue du pendu

Titel: La gigue du pendu Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Ann Featherstone
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supplié le Seigneur Jésus de me prendre, mais Il n’a pas voulu. Et pendant que je glapissais, vociférais, Bella rugissait, elle aussi. Elle me parlait. De bête à bête. “La prochaine fois, hurlait-elle, ce sera un ravissement pour toi.” Et ça, a-t-il achevé en posant la main sur mon bras, c’est la mort. »
    Puis la boisson l’a terrassé et il s’est écroulé sous la table romaine, la tête sur le lézard empaillé. J’ai posé son pardessus sur ses épaules et étendu sur lui un tapis pour le cacher aux yeux du public, car il était très mal et j’avais pitié de lui. Dans ses accès de boisson, il retirait sa chemise pour exposer les terribles blessures que la lionne lui avait infligées – « Regarde mon dos, Chapman ! s’écriait-il. Attrape un linge et arrête le sang avant que je me vide ! » Mais quand j’examinais son dos, son épaule, il n’apparaissait nulle trace de chair et de peau arrachées, ni muscle ou nerf sectionné, aucune plaie béante, sanguinolente, comme il le prétendait souvent. Rien que les traces dures et blanches des coups reçus dans l’enfance, comme le grain du bois, profond et bosselé. Cicatrices de coups de ceinturon, de fouet, assenés souvent et avec application sur cette peau tendre, et qui le faisaient encore souffrir, à tel point qu’il avait besoin d’inventer cette histoire pour les justifier. Bella, la lionne. La plus proche famille qu’il ait jamais connue.
    Qu’elle l’ait ou non ainsi lacéré, Bella était la plus bruyante des créatures de la ménagerie, et on l’entendait à travers tout l’Aquarium. Depuis ce terrible rugissement qui faisait s’arrêter net mes deux compagnons sur leur lancée, jusqu’à ce doux grognement de berceuse, que je distinguais à présent. À la différence de Conn, je ne comprenais pas ce qu’elle disait, mais après la désagréable visite que j’avais reçue, je me suis demandé si tout allait bien ailleurs. Aussi, c’est parce que je me faisais du souci pour Conn et les animaux, inquiet qu’il puisse demeurer un visiteur inopportun, que j’ai grimpé le lugubre escalier du fond jusqu’à la ménagerie, ce que Mr Abrahams appelle l’escalier de service, par où Conn apporte la paille et la nourriture aux animaux, et que nous empruntons tous pour plus de discrétion. Cet escalier est nu, sans intérêt, étroit et mal éclairé, conçu pour ne pas être vu, et il mène partout dans l’Aquarium.
    En ouvrant la porte, j’ai été accueilli par l’odeur tiède des animaux, de leur litière, et le bruit de leurs déplacements dans leurs cages. Brutus et Néron se sont assis, dociles, dans l’embrasure, le museau en l’air, humant ces odeurs peu familières, tandis que je m’avançais avec prudence. Conn avait éteint les lumières avant de partir, tout était plongé dans l’ombre. C’était une haute et vaste salle qui mesurait toute la longueur du bâtiment, avec de grandes fenêtres et une lucarne. Remplie de cages. À l’ouverture, il y avait aussi des poissons, dans un aquarium, le plus important de Londres, d’après Mr Abrahams.
    « Hélas, m’a-t-il expliqué un jour, avec le poids de l’eau, tu comprends, Bob, le plancher avait du mal à résister, alors il a fallu que je m’en débarrasse. Je l’ai vendu à un type de Manchester. En vingt morceaux qui portaient tous une étiquette précise. Et les poissons dans des seaux. J’espère qu’ils ont survécu au voyage. »
    Il a balayé la salle d’un regard triste.
    « J’aimais bien venir ici contempler les poissons. Ma Mimi aimait bien ça, elle aussi. On restait assis tous les deux dans le noir, à les observer. C’est paisible, qu’elle disait, comme un autre monde sous l’eau. Et elle avait raison. Avec le public, ça marchait bien. Tu sais, Bob, on avait le seul aquarium de Londres où il n’y avait pas seulement des serpents de mer mais aussi un poisson qui parle. Il était à part, bien sûr, et il avait son propre gardien. Pongo, c’était le premier poisson qui parle depuis Jacko, trente ans plus tôt. »
    Il m’a montré quelque chose au-dessus de la porte.
    « Le voilà. Pongo. Une créature douée d’intelligence. »
    Il était encore là, peint sur une planche.
    « Tu vois, Pongo, le poisson qui parle. Il sait compter ! Il sait chanter ! »
    Aujourd’hui, au lieu d’un grand aquarium au beau milieu de la salle, des cages, aussi loin que porte le regard, et dedans, des animaux, lézards et

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