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La gigue du pendu

La gigue du pendu

Titel: La gigue du pendu Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Ann Featherstone
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il s’est mis à arpenter la scène avec lourdeur, jambes écartées, genoux fléchis, ses grands bras ballants le long du corps. C’était certes amusant, mais cela ne ressemblait en rien à la petite fille qui, bien qu’elle n’ait montré ni grâce ni adresse, ne se traînait pas de façon si grotesque. Et j’ai trouvé cruel de sa part de ridiculiser ainsi une mioche qui avait fait de son mieux, même si elle n’avait rien d’une ballerine. En le voyant ainsi imiter ses pathétiques efforts, elle s’est mise à pleurer, et le chœur des mères et des autres enfants de ricaner, comme soulagées, je suppose, que les foudres du maître ne se soient pas abattues sur elles. Enfin, la mère a cessé de protester et, saisissant sa fille par le poignet, s’en est allée.
    « Très bien, a dit M. Villechamps en lissant son bouc et son manteau, maintenant que nous sommes débarrassés de cet animal de zoo, nous pouvons commencer. Papillons, oiseaux exotiques, insectes, s’il vous plaît. »
    Certaines des fées, des papillons, des oiseaux des tropiques et des insectes étaient en effet bien petites, et à mesure que l’audition progressait, elles se lassaient, grimpaient sur les genoux de leur mère et s’endormaient, car la séance était épuisante, et interminable pour elles.
    « Mes enfants, a fait M. Villechamps au nouveau groupe. Je voudrais que vous me montriez votre plus belle pirouette. Pas comme un éléphant. » Il a tourné sur lui-même d’un pas lourd. « Mais comme un papillon. Voilà, et voilà, et voilà, et voilà », battant la mesure du bout de sa canne, tandis que les fillettes tournoyaient sur elles-mêmes en titubant tels des insectes ivres, au son joyeux du violon de Mr Parry. Au début, bien sûr, c’était un jeu, mais bientôt les jeunes jambes se sont fatiguées, les petits bras se sont refroidis, et M. Villechamps exigeait toujours plus : « Soyez comme une fleur », « Faites une petite révérence ». Les gamines étaient fourbues, irritables, et seule la volonté de fer de leur mère (accompagnée de force menaces) les faisait continuer.
    Deux truffes humides sur ma main et une bonne odeur de sauce affleurant à mes narines m’ont signalé le retour de Brutus, Néron et Will, qui rapportait deux tourtes au mouton (« Faites maison par Mrs Lovett, Bob ! ») et un flacon de bière. Il s’est installé auprès de moi, les jambes juchées sur le dossier du siège de devant, et s’est mis à dévorer la tourte tiède avec ardeur.
    « Alors, mon ami, les joies de la scène, hein ! m’a-t-il dit entre deux bouchées. Une fois piqué par l’ apis histrionicus , ça te démange à vie. » La salle avait beau être obscure, j’entendais la gravité dans sa voix. « Prends garde, Bob. Au théâtre comme dans la vie, les choses ne sont pas toujours ce qu’elles paraissent être. Nous sommes des magiciens, des marchands d’illusion, et pendant quelques heures, chaque soir, sur ces plates-formes de bois, nous, fous de comédiens, devenons ce que nous désirons être – et ce que vous désirez que nous soyons. Mais quand Pilcher éteint les lumières, que Lombard fait tomber le rideau, il n’y a plus d’île ensoleillée et nous ne sommes plus ni flibustiers ni héros. C’est un monde inventé, Bob, qui n’est jamais ce qu’il paraît être. »
    Je me suis demandé ce qui avait bien pu provoquer chez lui cet accès de sérieux. Mais il n’a pas poursuivi dans cette direction et son attention s’est tournée vers les pauvres enfants, qui paraissaient toutes « épuisées et mal nourries », et dont les mères semblaient davantage préoccupées par les shillings que par leur bien-être. Je me sens proche de Will car, comme moi, il peut s’avérer gai ou ombrageux. Je pense que cela lui vient de sa profession : un homme ne peut chaque soir faire tant d’efforts pour incarner un héros sans que cela pèse sur son esprit. Ainsi donc, nous avons mangé nos tourtes en silence, car le charme était rompu.
    Dès que les fillettes ont quitté la scène, la troupe les a remplacées et Mr Carrier est réapparu. Miss Fleete, la chef costumière, avait été mandée avec son assistante pour prendre les mesures des principaux acteurs afin de préparer les costumes et elle s’entretenait avec le patron au sujet des styles et des coloris (il aime avoir son mot à dire sur tout).
    « Mesdames et messieurs, a-t-il commencé en s’adressant à la troupe bavarde, je

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