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La gigue du pendu

La gigue du pendu

Titel: La gigue du pendu Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Ann Featherstone
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rebelle : « J’ai promis à papa que je le ferais.
    — Tu as raison, a fait Will avec solennité. Trop de questions. Ma mère me disait toujours que la curiosité est un vilain défaut, et que j’étais beaucoup trop curieux pour mon bien comme pour celui des autres. Mais dis-moi une dernière chose. Est-ce que la boutique de ton père est encore là ? Où était-elle ?
    — C’est fini, les questions ! s’est écrié le garçon en appuyant ses poings contre ses yeux et en grinçant des dents. J’en sais rien ! J’en sais rien ! »
    Will l’a entouré de son bras musclé tandis que Brutus le poussait du museau. Pendant ce temps, je m’occupais du thé et, bientôt, tout a été prêt. C’est alors que j’ai découvert que je n’avais plus de lait. (J’aime le thé au lait, et je ne peux plus le boire nature.) Le crémier se trouvait à deux pas de l’Aquarium, quatre portes plus loin.
    Je suis donc parti en chercher, avec mon petit pot, mais je ne suis pas revenu aussi vite que je l’escomptais.

9
    À la dure
    Je ne suis pas un homme agressif, en vérité j’abhorre la violence sous toutes ses formes. Je l’évite. Je me suis d’ailleurs parfois fait traiter de lâche. Mais telle est ma nature. J’ai envisagé un jour de devenir membre de la Société des Amis, c’est-à-dire les Quakers, quand j’ai appris qu’ils étaient partisans de la douceur et refusaient la brutalité, et je pense qu’ils m’auraient accepté. Peut-être qu’en aussi bonne compagnie j’aurais réussi à oublier la cruauté qui a marqué mon enfance de son empreinte de peine et de peur, et qui aujourd’hui hante encore mes rêves.
    Dans mon sommeil, je vois mon père. Un petit homme aux mains rugueuses et aux bras couverts de cicatrices. Il travaillait dans les fourneaux et fours industriels. Surtout des fours à briques. N’importe lesquels, il n’était pas regardant. Ma mère et moi arpentions le pays avec lui, vivant dans de modestes garnis quand il avait une place, dans des étables ou sous les ponts quand il n’en avait pas. C’était une brute, aussi bien en actes qu’en paroles, et tout ce dont je me souviens à son sujet (j’avais six ans quand il est mort), c’est de ses poings, durs et craquelés comme le vieux bois, de son rictus, et de ses bottes.
    Oui, dans mes rêves, il revient, j’entends le beuglement de sa voix, je sens ses coups de poing, de pied.
    Exactement comme en cet instant. Où quatre brutes me font mon affaire. Elles m’ont traîné dans le passage étroit qui longe la boutique de chandelles Climmber et, très professionnelles, déchaînent sur moi leurs flûtes tout en me lardant de mandales.
    Ces voyous se montrent très minutieux dans leur tâche, n’oubliant aucune partie de mon anatomie. En vérité, ils s’y reprennent même à deux fois. Pour être sûrs. Et c’est seulement quand je me suis recroquevillé en boule et qu’une mare de sang a commencé à se former sous moi qu’ils se sont arrêtés pour contempler leur ouvrage. L’un d’eux m’a retourné tandis qu’un autre inspectait le travail d’un œil d’expert.
    « Il s’est pris une bonne branlée, a fait un troisième. Du beau boulot, les gars. Il a son compte.
    — Pour sûr, a ajouté un autre en se frottant le poing, et il s’est à peine amoché les pognes. »
    Alors, le premier s’est accroupi pour me parler à l’oreille : son haleine empestait l’oignon et la viande depuis longtemps digérés.
    « Écoute-moi bien, trouillard. Si tu veux pas retrouver tes clebs le ventre en l’air ou les pattes en morceaux, la prochaine fois qu’on te demande, tu refourgues la marchandise qu’est pas à toi. »
    Il m’a caressé une dernière fois de sa botte et un éclair de douleur m’a déchiré la poitrine. Ensuite, le silence et la nuit se sont abattus sur moi.
    Mr Climmber est sorti de son magasin à un moment (pour aller chercher des chaînes, ou je ne sais quel objet cliquetant). Il m’a enjambé avec soin. Je lui en ai été reconnaissant, car quand je ne bougeais pas, la douleur était supportable et j’oscillais à la limite de l’inconscience, passant ce qui m’a paru des heures à examiner les crêtes de mousse sur les pavés, de mon bon œil, l’autre demeurant fermé. Combien de temps suis-je resté étendu là, je n’en sais rien. Des heures, des jours, c’était pareil. Parfois, je revenais à mon enfance, et je rêvais que j’étais dans les bras de ma mère.

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