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La gigue du pendu

La gigue du pendu

Titel: La gigue du pendu Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Ann Featherstone
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tout émue, tremblante, lui a dit qu’elle allait « parfaitement bien, merci, Mr Lovegrove », réussissant même à sourire quand mon bel ami s’est agenouillé devant elle et lui a pris la main. Barney, qui en un clin d’œil est redescendu avec une agilité de chat, s’est déclaré « en pleine forme, Princesse, pas d’embrouille ».
    Quel étrange groupe nous aurions formé aux yeux d’un éventuel spectateur assis là en ce matin, au premier rang du Pavilion Theatre. Le superbe Will Lovegrove, sa longue chevelure bouclée et sa mise de comédien, le jeune Barney, sale et en haillons. La minuscule Princesse, fort élégante dans son ensemble vert sombre et son chapeau miniature juché sur sa tête d’oiseau. Et moi, Bob Chapman, vêtu de mon unique manteau (un peu usé aux coudes, mais qui me fera encore bien un hiver si j’y veille), en retrait, flanqué de Brutus et Néron, embrassant la scène comme s’il s’agissait d’une pièce de Trim.
    Will a pris la situation en main sans poser aucune question (bien qu’il doive être rempli de curiosité !), insistant sur la nécessité de ramener la Princesse en toute hâte à l’Aquarium.
    « Fais avancer le carosse de Madame, Chapman ! » s’est-il écrié.
    C’est ainsi que nous sommes revenus à l’Aquarium en procession solennelle, Barney poussant le fauteuil de la Princesse, Will marchant à ses côtés, mes chiens et moi formant l’arrière-garde. Nous n’avons vu aucune trace du Grand Méchant, mais quand nous sommes arrivés, Mrs Gifford nous attendait dans le hall, l’air plus pincée et plus méchante que jamais, avant tout désireuse de nous rappeler à tous que la Princesse était délicate et ne devait pas « aller traîner dans les rues au petit matin ni être ballottée comme un sac de sucre ». Sur ce, elle l’a prise par la main, lui a fait traverser en vitesse la salle des mannequins de cire jusqu’à l’escalier de service, et a annoncé avec une sécheresse qui m’a fait grincer des dents que la « Princesse Poucette va se reposer dans la journée, mais qu’elle travaillera ce soir comme d’habitude, pour ne pas manquer à son public dévoué ni trahir le respect qu’il lui témoigne ».
    C’est ça, ai-je songé avec amertume, sans oublier les pièces de six pence qu’ils te donnent en échange de faveurs particulières, ce qui ne m’étonnerait guère.
    J’ai vite installé ma petite salle et, les mains tremblantes, le front en sueur, j’ai préparé ma première théière de la journée. À l’instant où la bouilloire se mettait à chanter, la porte s’est ouverte, et mes compagnons se sont redressés, prêts à accueillir les spectateurs. Mais Néron a passé la tête derrière le paravent et s’est mis à remuer la queue, ce qui signifiait que les nouveaux venus étaient des amis. Ils étaient deux. Will et Barney, ce dernier la figure débarbouillée, grâce à la Princesse, et vêtu d’une chemise et d’un pantalon propres, grâce aux mannequins de cire, d’où cet air de sortir d’un siècle passé. Nous nous sommes installés confortablement dans ma loge, et j’ai rajouté deux cuillerées de thé dans la théière. Will paraissait songeur.
    « Voilà un sacré panier de crabes, Bob, et le jeune Barney est tombé en plein dedans. D’après ce qu’il m’a dit, et les détails que la Princesse nous a fournis, il me paraît clair que Barney est victime d’un malentendu, a expliqué Will en posant une main amicale sur mon bras. Quant à toi, mon ami, tu t’es aussi retrouvé englué dedans. »
    Le garçon a hoché la tête en frottant son œil déjà rouge.
    « Si je comprends bien, l’histoire est la suivante. Le papa de Barney montrait un kinétoscope. Ensemble, ils parcouraient le pays, de foire en foire, et c’est là qu’ils ont rencontré notre petite fée et son géant, la Princesse Poucette et Herr Swann. Ils sont venus à Londres faire fortune mais, comme pour beaucoup d’autres, les choses n’ont pas été si faciles. Chaque fois que le père de Barney s’installait quelque part, on venait le déloger. Il a dû payer un emplacement, puis graisser la patte à des brutes pour pouvoir y rester. Il avait un garçon à élever mais pas assez de sous qui rentraient.
    — Son kinétoscope, c’était bien, a commenté le mioche de sa voix flûtée. On montrait la bataille de Trafalgar, et la mer Rouge qui s’ouvre, avec les plus belles images qu’on peut

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