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La gigue du pendu

La gigue du pendu

Titel: La gigue du pendu Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Ann Featherstone
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raconté son plan par le menu, je l’aurais dissuadé de le mener à bien et, pour sûr, j’aurais refusé de m’en mêler. Mais j’étais trop pressé de quitter cet établissement et Fish Lane, de peur de tomber sur le Gros Lard, et je n’ai pas réfléchi une seconde à ce que Barney m’avait dit.
    Mes chiens se trouvaient dans la cour de la boutique de Pilgrim quand j’y suis entré. J’étais pressé de m’en aller et Brutus, admirable créature, comme s’il comprenait, s’est immédiatement rangé à côté de moi, prêt à lever le camp. Mais Néron était parti en exploration. Il avait découvert, au bout de la cour de mon ami, la remise délabrée (fief des rats, sans aucun doute) qui abritait du bois pourrissant, des sacs et des barriques. Autrefois, cette rue avait été bien plus avenante, peuplée de commerçants, flanquée de champs où l’on cultivait des légumes et de vergers croulant sous les fruits ; c’était alors un endroit agréable. Mais ça, c’était dans le temps, j’ai pensé, parce qu’à présent c’était une rue populeuse et minable, qui n’était plus bordée par la nature, mais par de hauts murs et barrières. Dans l’arrière-cour de Pilgrim s’entassaient des livres moisis, gluants de pluie et d’humidité. De grands tas en pleine décomposition, prêts à s’effondrer, qui offraient d’excellents abris aux colonies de rats et de souris. Ce n’était pas étonnant que le patron de l’établissement voisin n’ait pas fait venir de chiens, qui se seraient empressés de faire la chasse aux rats. Toutefois, ce qui intéressait Néron se trouvait au-delà des piles de livres. Il essayait de se faufiler derrière cette montagne de papier, et j’ai eu peur qu’il ne s’échappe. Comme je ne voulais pas perdre une minute, je suis parti le chercher.
    C’était un endroit répugnant, traître et plein de bestioles. Le moindre mouvement faisait vaciller, s’écrouler les piles de livres. Des tombereaux de journaux cédaient sous mes pieds, et mes bottes s’enfonçaient dans cette fange visqueuse de papier décomposé, quand elles n’écrasaient pas des familles d’escargots. Bien sûr, ce terrain ne présentait pas la moindre difficulté pour Néron, qui suivait avec ardeur la trace qu’il avait flairée. Et puis il a disparu. Je l’entendais souffler, gratter, mais je ne pouvais le voir, aussi j’ai décidé d’escalader la montagne de papier à mon tour. Arrivé au sommet, j’ai trébuché, perdu l’équilibre, et je suis tombé lourdement contre la clôture branlante, qui a aussitôt cédé sous mon poids. Je suis arrivé la tête en avant, sur les genoux, en essayant de me raccrocher à l’air, et là, j’ai failli basculer dans la tranchée du train souterrain, en contrebas.
    Quelle surprise ! Je n’avais pas idée que les travaux se prolongeaient si loin, et que leur course destructrice les menait derrière les arrière-cours de Fish Lane, plongeant sur dix mètres de profondeur. Les rails étaient déjà posés et, un peu plus loin, un tunnel était en préparation. Pas étonnant que les maisons voisines penchent et s’écroulent, que le plancher du théâtre soit si sensible, ni que le fracas des excavations et l’odeur de terre en décomposition emplissent l’atmosphère.
    J’ai repris mon souffle et cherché Néron, en vain. Pendant un terrible instant, j’ai cru qu’il était passé par-dessus le précipice. Mais le bruit de sa respiration m’a rasséréné et appris qu’il avait emprunté une tout autre direction. Il avait franchi une seconde barrière pour se faufiler dans la cour voisine. D’abord, j’ai vu sa queue, qui remuait, et j’ai pensé qu’il avait débusqué un rat et que l’anticipation de la chasse l’excitait. Puis je me suis aperçu qu’il se glissait entre la clôture et le bâtiment suivant. Cet espace large d’environ soixante centimètres était jonché de feuilles mortes et de brindilles, et j’ai d’abord reculé devant l’étroitesse du passage. Mais Néron était parti devant, et appliquait à présent la truffe dans un trou du mur en soufflant comme un bœuf. Si le Grand Méchant rôdait encore dans les parages et qu’il nous repère, nous aurions des ennuis, aussi j’ai suivi mon chien pour l’attraper par le col et le ramener avec moi. C’est alors que j’ai entendu des voix à l’intérieur. Et j’ai soudain compris que nous nous trouvions derrière le studio de photographie de

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