Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
La gigue du pendu

La gigue du pendu

Titel: La gigue du pendu Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Ann Featherstone
Vom Netzwerk:
fait, car j’étais certain à présent qu’il était « dans le pétrin ». Mais il n’y avait là nulle part où se cacher, et pour m’en assurer, j’ai inspecté chaque recoin, posant enfin le pied sur le sac à déchets. J’ai soudain compris qu’il ne s’agissait pas d’un sac mais d’un homme, car maintenant que j’étais tout près, je voyais un manteau et des cheveux. Quelqu’un dormait là, et en y regardant d’un peu mieux, j’ai constaté que cet homme portait les bottes de mon père ! Je ne doutais pas que c’était les siennes, car elles m’étaient familières, non pas en tant qu’amies proches, mais telles de vieilles connaissances. Elles étaient posées l’une sur l’autre, comme lorsque mon père dormait. Et j’ai compris alors que c’était lui qui s’était assoupi là. Le fourneau avait été vidé, seulement ils avaient pris mon père en plein sommeil pour un vieux sac, tout comme moi. Quelle chance, me suis-je dit, de l’avoir vu et de pouvoir le tirer de là, car nul doute qu’autrement il aurait eu des ennuis. J’ai posé la main sur son épaule et je l’ai tapotée doucement.
    « Pa ? » ai-je murmuré, car je ne voulais ni que les gens dehors m’entendent, ni le réveiller de manière trop soudaine au risque de subir sa mauvaise humeur. « Réveille-toi, papa. »
    Il ne bougeait pas.
    Je l’ai alors secoué un peu plus fort, puis, bien que je craigne toujours sa colère et ses terribles bottes, encore plus, jusqu’à le faire basculer.
    Il s’est retourné, léger comme de la cendre. Sa peau brune et desséchée s’étirait sur les joues et le nez. Ses yeux étaient fermés, mais sa bouche grande ouverte, noire comme un tunnel, hurlait en silence.
    J’étais paralysé par la terreur.
    J’ai crié, mais aucun son n’est sorti. Je me suis époumoné et, dans ma tête, le bruit était assourdissant, pourtant, dans l’air épais du fourneau, on n’entendait que la rumeur des voix provenant de l’extérieur.
    J’étais terrifié à l’idée qu’on puisse refermer les portes, les verrouiller, que toute retraite me soit coupée, aussi j’ai reculé pour me faufiler par un des conduits. La dernière chose que j’aie vue, c’était cette bouche noire, béante, qui hurlait, et les parois du conduit autour de moi. Elles se resserraient, comme des bras se refermant sur moi, alors j’ai voulu me retourner, mais je ne pouvais pas. Le conduit était trop étroit. Si je faisais machine arrière, je revenais dans cet antre de la terreur, et reculer me remplissait d’horreur.
    Le conduit ne pouvait pas être aussi long ?
    Imaginons que je reste coincé, que je ne puisse plus ni avancer, ni reculer, ni me retourner… c’est un cauchemar qui aujourd’hui encore me fait suffoquer.
    *
    Un cri soudain – « Eh ! Espèce d’âne bâté ! » – m’a rappelé à l’ordre. Un homme avec une charrette à bras m’a donné une grande bourrade. Ses pommes de terre et ses choux gisaient à terre. C’était ma faute. Je ne l’avais donc pas vu venir ? Dame, il était tout de même pas invisible ! J’ai ramassé les pommes de terre, les choux. Les ai alignés avec le plus grand soin les uns à côté des autres, comme s’ils risquaient de se casser. Enfin, l’autre a perdu patience et, en me flanquant un nouveau coup, m’a poussé en déclarant que la ville allait devoir faire ceinture s’il continuait à poireauter comme ça, et il s’est mis à jeter ses légumes dans sa charrette. En guise d’adieu, il a lancé des pommes de terre sur Brutus et Néron, qui se sont mis à japper, puis sur moi, et j’en ai reçu une sur la tempe.
    « Bougre de cornichon ! Pauvre andouille ! » s’est-il à nouveau écrié.
    Je n’ai pas pu lui répondre.
    En vérité, je n’ai jamais pu prononcer un mot depuis ce jour où je me suis retrouvé face à la terrible bouche noire de mon père qui hurlait en silence. Ce n’est pas que je ne veuille pas parler, c’est que je ne peux pas. Les sons ne montent pas jusqu’à mes lèvres. Ma gorge est stérile, bien que les mots attendent qu’on les exprime, des mots par milliers, qui résonnent dans ma tête, mais ne parviennent jamais jusqu’à ma bouche.
    Des mots d’amour. Si je le pouvais, je prendrais mon courage à deux mains et j’irais dire à Em Pikemartin que je l’aime plus qu’aucune autre femme au monde. Je serrerais la main à Will Lovegrove en déclarant : « Will, tu es le plus chic type

Weitere Kostenlose Bücher