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La gigue du pendu

La gigue du pendu

Titel: La gigue du pendu Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Ann Featherstone
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j’ai filé vers mon logis, dont la porte était entrouverte. Comme me l’avait annoncé l’homme aux lapins, le chaos régnait. Tout avait été mis sens dessus dessous : le lit, le matelas (éventré, et dont les entrailles se déversaient comme du porridge), les étagères, jusqu’à mon seau à charbon et au parquet. J’ai refermé la porte pour me garder de la curiosité des gens qui ne cessaient d’aller et venir en fourrant leur nez partout et en me dévisageant, comme si soudain la peur m’étreignait. Brutus et Néron se sont installés confortablement devant l’âtre froid. D’en bas montaient murmures et bruits de pas. Je me suis assis sur le bord du lit et j’ai commencé à réfléchir. On devait observer mes faits et gestes, et le Grand Méchant avait profité de mon absence pour procéder à la fouille minutieuse de mon logis. Cela ne pouvait être une coïncidence.
    Peut-être étaient-ce les prémices de sa vengeance.
    Un bon chambardement, la destruction de mes quelques biens. Puis un jour de ma personne. Ou de mes chiens.
    Je partirais le jour même pour les champs de Strong.
    Je me suis mis à ranger ma chambre. J’ai réuni toutes mes affaires en tas sur la table (un très modeste tas). Mrs Twentyfold en ferait ce qu’elle voudrait. Je me suis dépêché de rassembler une demi-douzaine de romans à deux sous, deux tasses fêlées, une poêle à frire à la poignée lâche, un couteau, une fourchette, une cuillère, et une boîte à thé décorée de fleurs roses de style japonais.
    Et voilà. Je me suis rassis sur le lit pour contempler mes biens terrestres. Cela ne faisait pas grand-chose, et il n’y avait là rien que je puisse vraiment regretter. Il ne restait dans la boîte à thé qu’une cuillerée à café, et j’ai eu envie de m’offrir une dernière tasse pour me ragaillardir avant de partir, aussi je suis descendu remplir ma bouilloire à la cuisine, laissant par la même occasion Brutus et Néron se dégourdir les pattes. L’escalier témoignait des nombreux va-et-vient, car la rampe cirée de Mrs Twentyfold était à présent terne et visqueuse, quant aux marches, elles étaient constellées de taches et de gravier. Un tableau représentant Notre-Seigneur veillant au grain n’était plus droit, et sur tous les meubles étaient abandonnées des tasses vides. Du salon provenaient encore des murmures, et j’ai entendu frapper à la porte sans que personne bronche.
    On a toqué une deuxième fois.
    Souvent, ma logeuse m’avait dit qu’en aucun cas je ne devais ouvrir la porte, et j’étais fort désireux de lui plaire. Alors je n’ai pas prêté attention. Mais quand on a cogné une troisième fois, plus fort, je me suis demandé s’il ne s’agissait pas d’un policier venu enquêter sur le cambriolage, et comme personne ne sortait du salon, j’ai finalement ouvert. Brutus et Néron se tenaient à mes côtés, curieux de voir qui se présentait.
    Ce n’est pas que le soleil m’a ébloui, ou que j’ai été distrait par une insulte ou un coup de poing dans la figure, pourtant, pendant un moment, je n’ai pas compris à qui j’avais affaire. Je n’ai pas vu non plus le fourgon dans la rue. Et puis tout à coup, j’ai réalisé qui c’était, non que je les aie reconnus, mais parce qu’ils arboraient une expression terrible. J’ai voulu refermer la porte. Hélas, l’un d’eux avait déjà glissé le pied dans l’embrasure, et l’autre m’a flanqué par terre sans ménagement ; quand je me suis enfin relevé, ils avaient saisi Brutus et Néron par le col – ils avaient beau se débattre, aucun son ne sortait de leur gueule, car ils avaient été dressés ainsi – et ils les entraînaient au-dehors.
    Tout s’est passé très vite.
    À présent, je sais qui c’est. Ils faisaient partie de l’équipe qui m’a passé à tabac dans la ruelle, et je crois avoir vu l’un d’eux sur Fish Lane. Le plus costaud des deux, qui était aussi le plus basané et le plus affreux, m’a toisé depuis la chaussée. Il tenait Néron à la gorge, qui luttait pour fuir.
    « T’as eu assez d’avertissements comme ça, Chapman, alors maintenant, on prend en main ces mignons, m’a-t-il lancé à mi-voix, avant d’entonner ce couplet au profit des passants : Pour avoir maltraité ces magnifiques animaux ! Pour les avoir dressés à devenir des bêtes féroces ! Vous devriez avoir honte ! Pas plus tard que l’aut’ soir, ils ont attaqué un

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