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La gigue du pendu

La gigue du pendu

Titel: La gigue du pendu Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Ann Featherstone
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discutant avec un petit groupe d’employés vêtus de costumes noirs usés, qui semblaient tous désireux de s’en aller mais n’osaient pas.
    « Quelle affaire tragique ! Ce n’est un secret pour personne que ces fillettes sont vendues pour qu’on les viole, mais il faut espérer que rares soient celles qui finissent de cette manière. Quelle mère pourrait infliger cela à son enfant en échange d’argent ? s’est-il interrogé en secouant la tête. Je donnerais tout ce que j’ai pour découvrir celui qui a fait cela et l’amener à comparaître devant la justice. Ainsi que toutes les personnes qui ont participé. Comme le voudrait tout homme respectable. »
    Il a froncé les sourcils et s’est essuyé les mains avec le torchon de la patronne. Puis il a retiré le tissu, et j’ai regardé l’enfant pour la première fois. Des boucles brunes, à présent collées, un visage crasseux, des yeux bleus entrouverts, la bouche tordue en cette espèce de sourire étrange qu’ont les morts et qui rappelle la vie. Un joli minois, des membres encore pleins et charnus, des rondeurs de bébé rendues plus enfantines par les perles et les rubans bon marché dont les mères pauvres affublent leurs fillettes parce qu’elles rapportent davantage.
    Je ne connaissais pas son vrai nom. Elle s’appelait peut-être la Petite Merveille, Miss Topsy Truelove. Elle aurait pu être la sœur de la Petite Louisa Penny et de la Joyeuse Rosy Banks, la cousine de la Douce Carrie Honeydew et de Jenny Brighteye, la Préférée de la Mère. Il y en avait tant. Elles étaient légion. Les filles des familles pauvres, avec un sourire charmeur et deux sous de talent, si elles avaient de la chance, elles rejoignaient les rangs des ballets d’enfants. Les moins fortunées se retrouvaient dans les cabarets de second rang et les troupes itinérantes, petites puces aux bras nus et aux robes trop fines, traînées à travers la ville afin d’apparaître un soir dans un spectacle en plein air, le lendemain dans un établissement minable comme celui de Tipney, histoire de nourrir sa famille. Cette petite était peut-être la seule au foyer qui pouvait empêcher le tôlier de les mettre dehors et permettre à son père de passer sa vie au pub.
    Je devais la dévisager car le docteur m’a pris le bras, et les employés en costume noir se sont approchés.
    « La connaissez-vous, mon brave ? C’est votre devoir de nous le dire si jamais c’est le cas, et c’est un crime de cacher ce que vous savez. Dissimulation de preuve, voilà comment nous appelons ça, et vous encourriez une peine de prison. »
    Il a déroulé ses manches tandis qu’on lui apportait son pardessus. Tout le monde est retourné dans la salle, et j’ai vu le médecin s’entretenir avec le juge, qui m’a lancé un regard sévère, et je pense qu’ils s’apprêtaient à m’appeler quand leur attention a été attirée par un monsieur en manteau sombre, qui venait d’entrer à son tour et buvait un verre avec le patron. Il était arrivé dans la cour avec son cheval et sa charrette pour emmener l’enfant à la morgue, où le docteur pourrait à nouveau l’examiner. Elle avait d’abord été violée et tuée dans cette remise venteuse, miteuse ; puis enroulée dans un bout de tapis moisi, maculé de la crasse des rues, et abandonnée au gel, à l’obscurité. Ensuite, elle avait été livrée aux regards, pas comme lorsqu’elle était vivante et qu’elle dansait, se dandinait en souriant, mais gisant sur une table, immobile et glacée, dans l’arrière-cour d’une taverne. Enfin, elle allait être trimbalée en cahotant sur une charrette, avant d’être couchée sur un lit dur et froid.
    J’aurais dû attendre, j’aurais dû leur faire comprendre ce que je savais.
    Mais seul, je ne pouvais pas.
    J’irais chercher Will et Trim, et ensemble nous nous rendrions auprès du juge, pour tout lui raconter au sujet du Grand Méchant. Je lui montrerais alors l’étable, derrière chez Tipney, je lui montrerais le tapis, le trou dans le plancher où il avait caché le corps de l’enfant. Je l’emmènerais partout où j’avais vu le Gros Lard, et grâce aux forces de l’ordre, il le traquerait. Barney n’aurait plus à le craindre. Ni aucun enfant.
    J’ai quitté la cour en hâte, heureux d’être en compagnie de mes chiens, abhorrant ma peur, ma lâcheté, plus que jamais je n’avais haï le monde et sa cruauté aveugle. Je ne prêtais nulle attention à

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