Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
La gigue du pendu

La gigue du pendu

Titel: La gigue du pendu Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Ann Featherstone
Vom Netzwerk:
inconscient sur son épaule, comme un sac de pommes de terre, et s’est mis en route.
    Mrs Gifford, la bouche droite comme l’œil d’un puritain, l’a suivi, mais on voyait bien qu’elle était chamboulée, et quand Barney et moi avons rejoint l’Aquarium, Pikemartin n’était nulle part, et c’était elle qui avait pris sa place – chose que je n’avais encore jamais vue ! –, encaissait les espèces et donnait les billets d’entrée. Mais elle m’a hélé et, outrepassant son autorité avec aplomb, m’a ordonné de m’« occuper de la cabine, et veillez à ne pas être à court de petite monnaie », puis elle a dirigé Barney vers la ménagerie.
    Il m’arrivait parfois de remplacer Pikemartin quand il allait faire une commission, ou devait déplacer des objets au sein de l’Aquarium. L’endroit avait beau être minuscule, étouffant, l’odeur de son occupant habituel demeurant longtemps après lui, malgré tout, je l’enviais. En effet, non seulement il voyait sa magnifique fille, Em, matin et soir, mais il possédait dans sa cabine un portrait, qu’il pouvait contempler à loisir durant la journée. Elle était posée sur un banc, adossée à la cloison, et je passais mon temps à l’admirer durant les longues heures où je demeurais là. C’était un portrait en tout point fidèle, et si elle m’avait regardé, comme le font parfois les gens pris en photographie, j’aurais réussi à me persuader qu’elle pensait à moi. Je m’étais par ailleurs convaincu que si je pouvais, moi, la regarder dans les yeux, alors elle me rendrait mon regard. J’avais très envie de prendre ce portrait entre mes mains, pour essayer, mais il me semblait que ce serait un manque d’égard que de le retirer de là où l’avait placé Pikemartin, aussi Em continuait à fixer le mur opposé, et moi, à contempler ses traits pleins de douceur en songeant aux heures de cauchemar que son père avait dû passer ici, attendant qu’on le mande à Fish Lane, puis, une fois revenu, à ressasser en secret tout ce qu’il avait vu. Nul ne devait savoir ce qu’il faisait là-bas. L’image d’Em était là pour le lui rappeler.
    Soudain, la porte d’entrée s’est ouverte et une nuée de modistes s’est engouffrée dans le hall de l’Aquarium, laissant la porte claquer à toute volée, dans un fracas de tonnerre qui a secoué jusqu’aux escaliers, fait vibrer les vitres et frémir les tapisseries. Elles se sont mises à crier, à glousser (sans faire d’excuses, bien sûr), puis elles sont venues acheter leur ticket avec force clins d’œil et baisers (de loin). Mais quand je suis rentré dans la cabine de Pikemartin, je me suis rendu compte que le portrait d’Em n’était plus à sa place. Dans ce fracas, il avait dû tomber, aussi je me suis mis à le chercher, sous le banc, d’où j’ai retiré un seau, des plateaux et des pots pleins de toiles d’araignée, en vain. Le seul endroit où il pouvait se trouver, c’était derrière la petite commode, un meuble grossier arrivant à la hauteur du genou, posé par terre, dans lequel il rangeait sa bouteille d’Old Tom, son tabac et tout ce qu’il ramassait en faisant le ménage. (Il m’a confié qu’un jour il avait trouvé une broche en diamant, et un bracelet de rubis, et que si moi je découvrais quelque chose, il fallait que je lui en parle, car c’est son boulot que je faisais et qu’il avait droit à sa part. Mais jusqu’ici, je n’ai mis la main que sur un billet pour le Haymarket Theatre et un œil de verre, et j’ai tout gardé.)
    J’ai déplacé la commode pour passer la main derrière, et j’ai tout de suite récupéré le portrait d’Em. Il n’avait subi aucun dommage, en tout cas rien qu’un léger époussetage d’un revers de manche ne puisse réparer, et je l’ai promptement remis à sa place avant de repousser la commode. Sauf que je l’ai trop poussée. Une bande de poussière apparaissait sur le sol, alors je l’ai un peu tirée, puis encore poussée. Il y avait quelque chose, par terre, qui accrochait, et c’est à force de remuer le meuble dans tous les sens que j’ai aperçu la clef.
    Il devait y avoir deux bouteilles à l’intérieur, car je les entendais tinter, et soudain, j’ai eu envie de boire un coup. Quand il était sobre, Pikemartin me comptait parmi ses amis, ai-je songé, et de toute façon, il ne verrait pas la différence, alors j’ai ouvert la commode, où j’ai trouvé les bouteilles et une

Weitere Kostenlose Bücher