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La Gloire Et Les Périls

La Gloire Et Les Périls

Titel: La Gloire Et Les Périls Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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La
Rochelle.
    — Monsieur le Comte, dit Pandin des Martes, pour bien
entendre le conflit entre le maire Guiton et le Présidial, je devrais, sans
doute, vous ramentevoir que dans les villes de France qui comptent un
Parlement, le Présidial n’a à juger que les causes qui ne comportent pour
sanctions que des peines inférieures : fouet, carcan, ou galère pour un
temps limité. Les causes proprement criminelles pouvant entraîner la peine de
mort ou la galère à perpétuité sont, en revanche, du ressort du Parlement. Mais
il va sans dire que dans les villes qui, comme La Rochelle, n’ont pas de
Parlement, le Présidial juge et sanctionne, non seulement les délits, mais
aussi les crimes. C’est ainsi que nous eûmes, il y a peu, à juger du meurtre
d’un gentilhomme saintongeais par un soldat de La Rochelle, à la suite d’une
querelle des plus futiles. Dès qu’il connut les faits, notre assesseur
criminel, Raphaël Colin, appréhenda le soldat, le serra en notre geôle, et
commença à instruire son procès, mais à peine avait-il commencé la procédure,
qu’il reçut une lettre du maire Guiton le désaisissant impérieusement de
l’affaire, sous le prétexte que, s’agissant d’un crime commis par un soldat,
l’affaire était du ressort du Conseil de guerre qu’il présidait en tant que
chef des armées.
    — Mais, dis-je, la victime appartenait-elle à
l’armée ?
    — Non certes, dit Ferrières. Ergo, la cause
devait être jugée par le Présidial, lequel, unanimement, décida que Raphaël
Colin devait rejeter le désaisissement qui lui avait été signifié par le maire.
Ce qu’il fit.
    — Et comment Guiton prit-il la chose ?
    — Fort mal. Il employa la force contre nous. Il dépêcha
une dizaine d’hommes, lesquels, rompant l’huis de notre geôle, se saisirent du
soldat, et l’enfermèrent dans la geôle du corps de ville où il fut jugé
incontinent.
    — Est-ce que cela changea quoi que ce fût au destin du
pauvre diable ? dis-je.
    — Nullement, dit Pandin des Martes. Le crime était sans
excuse. Le Conseil de guerre le condamna à être pendu. Et notre Présidial en
eût fait tout autant.
    Je ne laissais pas alors de me demander, in petto , à
quoi rimait ce grand tohu-bohu, puisque le résultat eût été le même dans l’un
et l’autre cas. Mais à voir le visage grave et sombre de mes juges, j’y lus une
telle indignation et tant de rancœur que j’entendis bien que pour eux l’offense
avait été gravissime : les institutions qu’ils tenaient pour sacrées
avaient été violées, de prime, par le désaisissement, ensuite, par le coup de
force…
    — Que fîtes-vous alors ? demandai-je.
    — Nous instruisîmes en secret le procès de Guiton et de
ses acolytes, et nous les condamnâmes à faire amende honorable, la hart au col
et pieds nus dans la chambre d’audience. Après quoi, ayant demandé pardon à
Dieu, au roi et à la justice, ils devaient être, pour trois ans, bannis de La
Rochelle.
    Encore heureux, m’apensai-je, que les juges aient consenti à
mettre la justice en troisième position après Dieu et le roi.
    — Mais, dis-je, le jugement ne pouvait être exécuté,
puisque Guiton disposait de la force armée.
    — Il va sans dire, dit Pandin des Martes, que notre
jugement n’étant pas, en effet, exécutoire, il devait demeurer secret et en
suspens jusqu’à la libération de La Rochelle par le roi.
    Ma fé ! m’apensai-je, voilà au moins des Rochelais qui
ne seront pas tant chagrins et rebelutes de voir le roi revenir dans leurs
murs…
    — Messieurs, dis-je, qu’arriva-t-il ensuite qui hâta
votre départ ?
    — Guiton, à la réflexion, fut fort outré que Raphaël
Colin ait osé contester son pouvoir, et sans tant languir, il l’arrêta pour
conspiration, et le serra en geôle. L’assesseur criminel du Présidial serré en
geôle ! Vous imaginez l’indignation du Présidial, et aussi sa mortelle
inquiétude. Car si les échevins de Guiton se mêlaient de fouiller dans les
papiers de Colin, ils y trouveraient, à coup sûr, la condamnation infamante et
secrète que le Présidial venait de prononcer contre le maire et ses acolytes…
Le même jour, Monsieur Ferrières et moi, nous tentâmes de saillir des murs de
La Rochelle, et la Dieu merci, nous y avons succédé.
    Pour moi, j’avais fait, à ma suffisance, ample moisson de
renseignements sur les luttes intestines à La Rochelle, et à dire le vrai,
j’étais béant. Que

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