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La Gloire Et Les Périls

La Gloire Et Les Périls

Titel: La Gloire Et Les Périls Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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penser de la vanité de ce maire qui arrachait de vive force
une cause au Présidial pour avoir la gloire de la juger seul et d’envoyer seul
le coquart au gibet ? Et que penser aussi de la naïveté des juges du
Présidial, qui par un procès secret condamnaient ledit maire à trois ans de
bannissement, alors qu’il détenait encore en leur ville tous les
pouvoirs ? « Dieu bon, m’apensai-je, que les hommes sont fols,
puérils et mesquins, même dans les dents de la plus horrible des
morts ! » Il est vrai que pour avoir encore le cœur à ces jeux, ni le
Présidial ni le corps de ville ne devaient pâtir autant de la faim que le
peuple, qui dans les rues criait faiblement « Pain ou paix ! »
et reculait, titubant, devant les piques des gardes.
    Jetant un œil à ma montre-horloge, je pris alors congé de
mes hôtes, les assurant que je ferais de mon mieux pour que le roi leur
accordât un pardon généreux, et leur permît, sans tant languir, de retrouver
leurs familles dans l’Aunis. Le temps de faire seller nos chevaux par Nicolas,
je départis avec lui pour le château de La Sauzaie, mais Charpentier, à mon
advenue, m’ayant dit que Richelieu se trouvait avec le roi à Surgères, je
décidai de poursuivre ma route jusque-là, dans l’espoir où j’étais d’avoir
comme auditeurs, non seulement le cardinal, mais aussi Sa Majesté, ayant grande
envie de La voir et aussi d’être vu par Elle, de peur qu’Elle n’oubliât la
promesse qu’à demi-mot Elle m’avait faite après les combats de l’île de Ré.
Comme chacun sait, à la Cour plus qu’ailleurs, on oublie les absents…
    La chevauchée, du camp jusqu’à Surgères, n’est pas une
promenade pour la haquenée d’une tendre pucelle : elle est fort longue, et
le chemin n’est pas toujours bon, étant montant et sinueux. C’est pourquoi,
loin de pousser mon Accla, tout au rebours, je la ménageai prou, puisqu’elle
devait faire, dans l’après-dînée, le chemin inverse : ce qu’elle entendait
de soi à merveille, car dès lors qu’avec son infaillible mémoire, elle avait
reconnu le chemin qu’elle prenait, elle se mit d’elle-même au petit trot, et,
dans les côtes un peu roides, au pas.
    Je concède que mon Accla avait un caractère quelque peu
escalabreux, et qu’elle ne tolérait pas, par exemple, que le hongre de Nicolas
vînt trotter à sa hauteur, car elle n’avait que dépris pour ce mâle escouillé,
et ne laissait pas de le lui faire sentir. Mais pour son maître, en revanche,
quelle affection ! Et avec quel tendre hennissement elle m’accueillait
quand j’entrais dans son écurie le matin, et comme elle aimait aussi en mon
chemin à me parler muettement avec ses deux fines oreilles, dont les pointes
élégantes et mobiles m’émerveillaient.
    Combien que ce fut grand effort et labeur pour elle de
courre jusqu’à Surgères et d’en revenir, quasiment à la nuit, elle aimait
beaucoup s’y rendre, pour la raison qu’elle était traitée comme une reine dans
l’écurie des mousquetaires du roi où, dès son arrivée, elle était désaltérée,
nourrie, épongée, étrillée, séchée, que sais-je encore ? Sans compter tous
les hommages qu’elle recevait des palefreniers, et des mousquetaires, qui
s’arrêtaient devant elle, et lui flattaient la croupe en disant « Morbleu,
la belle jument ! » ou même « Tête bleue, la belle
garce ! », propos qu’elle entendait parfaitement, et auxquels elle
répondait par de petits mouvements coquets de la tête.
    C’est grande pitié, à mon sentiment, que nos beaux chevaux
aient une vie si brève qu’ils dépassent rarement la vingtième année, tant est
que le même cavalier ne peut qu’être veuf de deux ou trois de ses montures en
sa vie, laquelle, pourtant, n’est pas si longue. Je me ramentois avoir ouï mon
grand-père Siorac dire du bon du cœur que s’il plaisait au Seigneur de
l’admettre en son paradis, il aimerait mieux, quant à lui, y retrouver d’aucuns
de ses beaux alezans plutôt que d’aucuns humains qu’il pourrait nommer…
    Tant le roi et le cardinal étaient avides d’en savoir le
plus possible sur ce qui se passait en deçà des murs de La Rochelle, que je fus
reçu quasiment dès que j’eus dit mon nom à l’huissier. Je trouvai bon visage et
bon teint au roi qui à Surgères, l’été venu, chassait beaucoup, la chasse étant
le pain et le lait de sa vie. En revanche, je trouvai au cardinal l’œil creux
et les

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