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La Gloire Et Les Périls

La Gloire Et Les Périls

Titel: La Gloire Et Les Périls Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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là-dessus, le sentiment du pasteur Salbert,
lequel, comme lui, avait poussé prou à la guerre et, comme lui, ne souffrait
pas qu’on parlât de capitulation. Malgré cela, le pasteur Salbert, dès les
premiers mots, s’opposa avec véhémence au projet meurtrier :
    — C’est là, dit-il, un moyen très injuste et très
odieux, et là n’était pas la voie que le Seigneur voudra prendre pour délivrer
La Rochelle.
    Quand, la paix revenue, j’appris cette histoire, elle me
donna beaucoup d’estime pour ces calvinistes, infiniment plus fidèles à la
parole de Dieu que les fanatiques de la Sainte Ligue qui n’eurent, eux, ni
scrupule ni vergogne à se défaire par le couteau d’Henri III et
d’Henri IV. Mais, sans remonter si loin, que penser de ces comploteurs
qui, dans l’entourage de Monsieur, des Vendôme et de la reine elle-même,
envisageaient avec sérénité d’occire Richelieu et de cloîtrer le roi ?
     
    *
    * *
     
    Mon premier soin, quand, après notre victoire éclatante de
l’île de Ré sur les Anglais, nous rejoignîmes le continent, fut d’acheter pour
moi-même et mon écuyer Nicolas de Clérac deux chevaux. Les nôtres avaient été,
avec deux bonnes centaines d’autres, impiteusement tués et mangés pendant le
siège de la citadelle.
    Dans le camp retranché qui encerclait La Rochelle, ne se
trouvaient pas seulement des soldats, mais des marchands établis sous de vastes
tentes et qui vendaient tout ce que les pécunes peuvent en ce monde acheter, y
compris des ribaudes, mais celles-ci très cachées et dans des lieux fort clos,
car la police du roi, qui était, comme son maître, vertueuse, condamnait ce
commerce. Le prix qu’on me demanda pour deux juments fut si hors de tout usage
et raison qu’il fallut un long bargoin pour le faire baisser. Par bonheur pour
mes Suisses qui étaient onze en comptant le capitaine Hörner, leurs montures
avaient été épargnées pendant le siège pour la seule raison qu’étant suisses,
elles n’étaient pas inscrites sur le rôle de la cavalerie française. Ce fut la
première et dernière fois de ma vie que la méticulosité paperassière des
Intendants me fut bénéfique et m’épargna un grand débours, car les Suisses
ayant été loués par moi, il allait sans dire que j’eusse dû les pourvoir aussi
en chevaux de remplacement, si on avait mangé les leurs.
    J’appelai ma nouvelle jument Accla en souvenir de celle qui
avait été sacrifiée dans la citadelle de l’île de Ré, tant est qu’il me paraissait
qu’elle vivait encore.
    Dès que nous fûmes tous deux décemment montés, je gagnai le
bourg d’Aytré, petit bourg au sud de La Rochelle où demeurait le roi, dans le
double espoir de le voir et de trouver un toit pour mes Suisses et pour moi.
    Ces deux espérances furent déçues. Le roi, à ce que m’apprit
Berlinghen, était départi inspecter les troupes installées à Coureille à
l’extrémité nord de la baie de La Rochelle et ne reviendrait pas chez lui avant
le lendemain. Et la suite du roi était si nombreuse à Aytré qu’il n’était ni
maison ni masure qui ne fût en surnombre occupée. « Une épingle n’y
trouverait pas sa place », disait Berlinghen, son valet de chambre.
    Je résolus alors de pousser plus loin ma quête et c’est
ainsi que, prenant un chemin qui allait vers le sud et longeait la mer, je
trouvai, à courte distance d’Aytré, un village qui s’appelait
Saint-Jean-des-Sables et qui me ravit de prime par son nom, par sa plage et par
les vues qu’il donnait sur l’océan. N’y trouvant pas d’auberge, je me rabattis sur
un cabaret à l’enseigne de la Pomme d’or. Mais à la vétusté et la
pauvreté de la masure où ladite pomme était logée, il me parut qu’elle avait
depuis belle heurette perdu de sa dorure.
    Le cabaretier, petit homme fluet, terne et apeuré, nous
envisagea de prime avec faveur entrer dans son antre, mais ayant aperçu mes
Suisses dans la rue par le seul carreau de sa fenêtre qui fut en verre, les
autres étant faits de papier huilé pour épargner la dépense, il craignit, en
voyant tout ce monde, qu’on ne le robât, courut, claudiquant, quérir dans un
recoin une vieille arquebuse, la braqua sur nous sans mot piper, sa frayeur lui
gelant le bec.
    — Bonhomme ! dis-je, nous sommes honnêtes gens
tous, mon écuyer, moi-même et mon escorte et nous ne voulons pas te prendre clicailles,
mais t’en donner. Remise donc où tu l’as prise cette

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