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La Gloire Et Les Périls

La Gloire Et Les Périls

Titel: La Gloire Et Les Périls Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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vieillotte arquebuse dont
la mèche n’est même pas allumée et baille-nous un flacon du bon vin d’Aunis.
    Là-dessus, imité avec un temps de retard respectueux par
Nicolas, je pris place sur un tabouret, et jetai un sol sur la table. Le
bonhomme n’en crut pas ses yeux de ce trésor, ramassa prestement la pièce et,
sans quitter pour autant son arquebuse, appela son épouse, à ce que je suppose,
pour nous surveiller et, cela fait, il disparut par une trappe comme un diable.
    S’avança alors vers nous, en se dandinant, une maritorne qui
était grosse comme deux fois son mari, les bras repliés sous son parpal comme
pour le soutenir. Elle nous envisagea un assez long moment de ses petits yeux
noirs, durs et brillants. À la fin, parlant un français baragouiné de la
parladure d’Aunis, elle demanda à Nicolas qui était « le moussu  ».
C’était là un mot d’oc que bien j’entendis, et mieux encore Nicolas, qui
parlait d’oc, mais point tout à fait le même que celui d’Aunis.
    — Le moussu, dit Nicolas, est le comte d’Orbieu,
conseiller du roi.
    Là-dessus, la maritorne, s’ébranlant non sans lourdeur, nous
apporta deux gobelets couverts de poussière, les posa sur la table et, sans
piper mot ni miette, nous laissa seuls.
    — Monsieur le Comte, dit Nicolas, puis-je quérir de
vous la permission d’aller laver ces deux gobelets à la fontaine sur la
place ?
    — La grand merci à toi, Nicolas, et veux-tu dire de
grâce à Hörner que je vais lui faire incontinent porter quatre flacons de vin pour
lui-même et ses hommes, la salle étant trop petite pour les accueillir tous.
    Nicolas départi, je vis la tête du cabaretier saillir de la
trappe puis son torse, puis ses mains, l’une embarrassée par un flacon de vin,
l’autre par son arquebuse. Là-dessus, sa femme revint, lui prit impérieusement
l’arme des mains, la remit en place, déboucha le flacon et ne parut aucunement
surprise de voir entrer Nicolas, ses deux gobelets propres à la main. Se peut,
m’apensai-je, que ce soit céans la coutume de laisser la pratique laver de soi
la vaisselle, si du moins elle le juge opportun.
    Je commandai alors à la maritorne quatre autres flacons pour
mes Suisses et posai trois sols sur la table. Mais la commère, incontinent,
m’en réclama quatre. Preuve qu’elle était vive à se mettre à mon prix, au lieu
de demeurer au sien. Et preuve aussi qu’elle sentait bien que mes largesses, si
je puis dire, n’étaient pas gratuites et sous-entendaient une ou plusieurs
questions.
    J’ajoutai un sol à ma première obole, et la maritorne rafla
le tout de sa main dodue avant que son mari ait eu le temps de dire ouf. Puis,
sur un ordre fort sec qu’elle lui donna en sa parladure, il disparut par la
trappe, ce qui, je suppose, était, au propre comme au figuré, son lot
quotidien.
    La maritorne attendit que le pauvret, ressortant de la cave,
eût porté les flacons à mes Suisses, et dès qu’il fut hors, elle s’assit sans
façon à notre table et, s’adressant à Nicolas, elle lui demanda en oc ce que
voulait le moussu. Question que je n’entendis que par la réponse que fit
Nicolas.
    — Monsieur le Comte, dit Nicolas, désire louer à
Saint-Jean-des-Sables une grande maison pour loger soi et les Suisses.
    Phrase qu’il articula en français de prime, la traduisant
ensuite en oc. Truchement qui fut le bienvenu et qui continua jusqu’à la fin de
l’entretien.
    Ayant appris à la parfin ce que je voulais d’elle, la
maritorne, avec des «  Aïma ! Aïma ! » à l’infini, se
plaignit de prime de ses jambes, lesquelles, étant grosses et gonflées, la
doulaient fort. Raison pour laquelle, sauf mon respect, elle était assise à ma
table.
    Elle fit ensuite observer qu’elle et son mari étaient
d’honnêtes gens, connus comme tels à Saint-Jean-des-Sables, et fort serviables
à tout un chacun, y compris, dans les occasions, à des étrangers comme nous.
Mais d’un autre côté, elle se trouvait fort démunie et elle désirait, si elle
me disait ce que je voulais savoir, que je lui graissasse quelque peu le
poignet. Nicolas parut fort indigné par cette rapacité, alors même que la
maritorne avait déjà abusé de ma libéralité en haussant démesurément le prix de
son vin. Quant à moi, j’envisageai la maritorne d’un air sévère et judiciaire,
craignant qu’elle ne voulût aussitôt augmenter le niveau du graissage, dès lors
que je lui aurais fait une

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