La grande Chasse
Wenneker.
Le Mosquito a repris le chemin de l'Angleterre sans me laisser le temps d'arriver jusqu'à lui. Je fais demi-tour et fonce vers notre base.
Comme après l'atterrissage, je me hisse hors du cockpit, je crois rêver. A côté de mon coucou, tendant la main pour m'aider à sauter, Wenneker rit de toutes ses dents. Puis, il m'explique le mystère. Son appareil, tout comme celui de Marseille, a brusquement pris feu. Seulement, mon coéquipier, plus heureux que l'as de la campagne d'Afrique, est arrivé au soi sain et sauf.
D'après ce qu'il me dit, les flammes ont jailli du moteur qui, cependant, continuait à tourner. C'est à ne rien y comprendre.
Dans la soirée, la 4e escadrille perd un Gustave pour la même raison : incendie de moteur. Et nous apprenons que d'autres formations signalent des accidents semblables.
J'examine mon zinc avec une certaine méfiance. Est-ce que lui aussi me jouerait un tour de cochon ?
31 octobre 1942.
Mon chef direct, le capitaine Dolenga, a passé à la chasse de nuit. Je prends le commandement de l'escadrille.
Malgré le temps exécrable, nous escortons depuis les premières lueurs de l'aube les petits convois de la Kriegsmarine. Travail fastidieux que nos trois patrouilles assurent à tour de rôle.
Quelques minutes après 14 heures, alerte : une formation de Blenheim attaque le convoi dont la patrouille de service a la charge. Je décolle aussitôt, emmenant le sous-lieutenant Gerhard comme coéquipier.
Au-dessus de la mer, mes pilotes sont déjà en pleine bagarre. Le chef de section réclame impatiemment des renforts. Dans quelques minutes, ses appareils, à court d'essence, seront forcés de rompre le contact.
Nous mettons exactement dix minutes pour atteindre le convoi. Un kilomètre plus loin, en direction du nord, les camarades engagent furieusement quatre Blenheim. Juste au moment où j'arrive à portée utile, un des Anglais prend feu et, après un virage trop serré, s'abat dans l'eau. Les trois autres ne demandent pas leur reste. Dégageant de tous les côtés, ils tentent de se réfugier dans un banc de brume flottant à peut-être 1 200 mètres. Les deux premiers y parviennent, mais le troisième a trop hésité à amorcer son renversement. Une légère correction, et le voici qui s'encadre dans mon collimateur. A peine a-t-il encaissé ma première bordée que son moteur droit s'enflamme. Un ourlet rouge feu court le long de son aile, jusqu'au fuselage. L'Anglais cabre sec et, lancé en chandelle, s'enfonce dans la brume. A travers la grisaille je distingue encore un reflet rougeoyant qui s'éloigne en titubant.
De retour au terrain, j'apprends qu'une de nos vedettes a signalé la chute d'un Blenheim dans le carré A-Q de la carte, c'est-à-dire à quelque cinq kilomètres de l'endroit où j'ai vu disparaître mon adversaire.
6 novembre 1942.
A midi, le centre divisionnaire téléphone : deux Mosquitos viennent de franchir la côte. Cinq minutes plus tard, le lieutenant Kramer, notre contrôleur attitré, m'appelle à son tour.
— Pouvez-vous décoller, malgré le mauvais temps ?
Sans même réfléchir, je réponds par la négative. Les nuages plafonnent à trente mètres. De la fenêtre de mon bureau, je vois à peine le bord opposé du terrain.
Kramer n'insiste pas et raccroche. Il sait bien que j'ai raison. Depuis des heures, une pluie fine et glaciale noie toute la région. Les pilotes jouent aux cartes, font leur courrier ou ronflent sur leurs lits.
Tous les quarts d'heure, on signale la position des deux Mosquitos. J'avais pensé qu'avec ce crachin, ils feraient vite demi-tour. Mais ces Anglais sont coriaces. Une heure plus tard, ils survolent Berlin.
De nouveau, la sonnerie du téléphone. Je décroche.
— 5e escadrille, sous-lieutenant Knoke.
Je reconnais aussitôt la voix de mon correspondant : le colonel Henschel, grand patron de la chasse allemande dans la région du golfe d'Allemagne.
— Bonjour, mon petit Knoke. Quel temps fait-il chez vous ?
— A ne pas mettre un chien dehors, mon colonel. On ne voit pas à cinq cents mètres.
— Mon pauvre ami, il va falloir que vous décolliez quand même. Je viens de recevoir un appel de Göring. Le maréchal est fou furieux. Il ne comprend pas comment nous avons pu laisser passer ces deux Mosquitos, et il nous ordonne de les descendre, à tout prix.
— Bien, mon colonel.
— Qui pensez-vous envoyer ?
— L'adjudant Wenneker et moi-même.
— Eh bien, je vous dis
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