La grande Chasse
étroitement groupés autour de moi.
Le contrôleur s'énerve. Il voudrait que nous allions encore plus vite.
— Grosses bagnoles dans Dora-Norbert, grimpez à Hanni huit zéro !
Ce qui veut dire en clair : quadrimoteurs dans le carré D-N, à l'est de Leeuwarden, altitude 8 000 mètres.
Que le diable emporte mon moteur !
A 5 000 mètres, il se met à tousser. Et il refuse de monter plus haut.
Je transmets le commandement à Dieter et, fou de rage, pique vers notre terrain.
A peine posé, je repousse le hublot, me hisse sur l'aile et engueule les mécaniciens. Qu'ils se dépêchent, pour l'amour du ciel !
La cause de la panne est vite découverte. C'est la pompe d'alimentation qui est bouchée. A partir d'une certaine altitude, le moteur ne reçoit plus sa ration d'essence.
Les mécaniciens travaillent fiévreusement, si bien que, treize minutes plus tard, je peux repartir.
— Grosses bagnoles maintenant dans Frédéric-Paulette !
C'est-à-dire qu'ils se sont bien enfoncés vers le sud. J'enclenche la surpuissance, l'appareil bondit comme un cheval de course. A 6 000 mètres, je traverse un banc de nuages. Pourvu que je n'arrive pas trop tard !
8 000 mètres. Le ciel est d'une pureté éblouissante. Mais je ne vois toujours rien.
— Grosses bagnoles dans Gustave-Paulette. Ils descendent donc toujours vers le sud. Le carré G-P ! Un coup d'œil sur la carte. Bigre ! cela représente près de deux cents kilomètres.
— Prenez cap K-2, zéro.
Qu'est-ce que cela signifie ? Pourquoi veut-il que je revienne en arrière ?
À contrecœur, je fais demi-tour. Puis, je demande des explications au contrôleur qui, tranquillement, me donne l'ordre de rentrer. Je me pose à 12 h 58. Deux minutes plus tard, l'escadrille apparaît et atterrit. Je prends à peine le temps de compter les appareils — tout le monde est là — et, furieux, me précipite au téléphone. Le lieutenant Kramer, notre guide attitré au centre de contrôle, éclate de rire.
— Allons, Knoke, ne vous mettez pas en colère. Vous aurez encore l'occasion de vous bagarrer. Pour cette fois, c'était une alerte pour rien. Les Américains ont rebroussé chemin au-dessus de l'extrémité sud du Zuyderzée. Ils ramènent leurs bombes.
En guise de compensation, on nous fait repartir à 13 heures pour escorter deux cargos. Je ne cesse de pester. Est-ce que la marine va continuer de nous considérer comme ses domestiques ?
26 février 1943.
Il fait un temps radieux. Un ciel limpide dans lequel il doit faire bon s'ébattre.
Au-dessus de Great Yarmouth, tout est encore calme.
Enroulés dans leurs couvertures, les pilotes, allongés au bord du terrain, prennent le premier bain de soleil de l'année. Les deux haut-parleurs diffusent de la musique de danse. C'est une émission offerte aux soldats du Reich par le poste anglais de Calais. « Calais calling, Calais calling... » En réalité, le poste doit se trouver quelque part dans la région de Douvres. Son programme musical est nettement meilleur que le nôtre. Mais quand le speaker commence à débiter sa propagande antihitlérienne, tout le monde se met à rire. Ses textes sont franchement mauvais. Dans ce domaine, Gœbbels est encore le plus fort.
— Ta gueule, Tommy ! Joue plutôt un fox ! Tout à coup, la musique s'arrête.
— Attention, attention ! Les chefs d'escadrille au téléphone.
Je n'ai qu'à tendre la main pour décrocher l'appareil que j'ai eu la bonne idée de transporter jusqu'ici.
La division signale de nouvelles concentrations aériennes dans le carré Dora-Dora. Une fois de plus, les Ricains se groupent devant Great Yarmouth pour attaquer le territoire allemand.
A 10 h 50, alerte assise ! Les Américains longent la côte, en direction de Wilhelmshafen.
A 10 h 55, décollage immédiat ! Les hublots se referment. Les mécaniciens sautent sur les ailes pour lancer le dispositif de démarrage.
Tout le monde paré ! Par groupes de trois, nous roulons jusqu'à la piste de départ. Quelques secondes plus tard, la formation se visse dans le ciel.
J'appelle la tour de contrôle. La communication est excellente. J'ai l'impression de m'entretenir avec une personne assise à côté de moi.
Rapidement, nous atteignons l'altitude de 8 000 mètres.
— Grosses bagnoles dans Antoine-Paulette, Hanni huit zéro. Restez au-dessus du terrain.
Je décris un lent virage en direction du nord. Nos moteurs tracent leurs filets de condensation dans l'air
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