La grande Chasse
m... !
— Merci, mon colonel.
Wenneker et moi sommes parmi les rares pilotes de l'escadrille capables de voler par presque n'importe quel temps. Ce n'est pas la première fois que nous partons ensemble sous la pluie et dans le brouillard.
A 13 h 30, nous décollons pour essayer d'intercepter les Tommies qui se trouvent alors quelque part dans la région de Brème et se dirigent droit vers le nord-ouest. Probablement, ils gagneront la mer par les îles orientales de la Frise.
Nous mettons le cap sur la côte. La voix claire du contrôleur nous indique le carré B-Q comme position des Mosquitos.
— Cap 315. Dépêchez-vous, insiste-t-il.
C'est le moment d'ouvrir les yeux. Si l'indication est exacte, nous n'allons pas tarder à apercevoir notre gibier. Sans cette maudite pluie, nous serions sûrs de leur couper la retraite. La visibilité est de plus en plus limitée. Je commence à m'énerver.
— Vous devriez les voir, à présent, affirme le contrôleur. Sur votre gauche, regardez bien.
Je n'ai pas le temps de répondre. Juste devant moi, une ombre surgit de la grisaille.
Un Mosquito ! Le pilote m'a vu. Il vire si brutalement que son plan gauche effleure presque le sol. Puis, il renverse, tout aussi sec, vers la droite.
Oh, mais non, mon ami ! Ne crois pas que tes zigzags suffisent pour me semer. A chacun de ses virages, je lui décoche une rafale, en visant légèrement devant son nez.
Nous volons extrêmement bas. Heureusement, le pays est plat comme la main. Encore une minute, et nous débouchons sur la mer. Mon Mosquito traîne un fin panache de fumée. Il a enclenché la surcompression, et il file à une allure terrifiante. Mon Gustave arrive à le suivre, mais celui de Wenneker perd nettement du terrain. Comme j'ai bien fait de harceler les mécaniciens pour qu'ils soignent mon zinc avec un amour tout particulier ! Soins qui se traduisent par 15-20 km/heures supplémentaires.
Avant de l'achever, je veux à tout prix réduire la distance. Pour y parvenir, un seul moyen : fermer les volets du radiateur. Lentement, je gagne sur lui. Finalement, je ne suis plus qu'à une centaine de mètres. Une légère correction, et le fuselage de l'Anglais vient se placer dans mon collimateur. Mes doigts enfoncent la détente.
Ma première gerbe frappe de plein fouet son moteur gauche. Et c'est la fin. Le Mosquito est un appareil fragile — un avion en bois. En une fraction de seconde, son aile s'enflamme tout entière, puis, elle se détache. Une abattée, et le Mosquito disparaît dans les vagues grises de la mer du Nord. Comme je reprends de l'altitude, je vois une tache d'huile briller au creux des vagues.
Des gouttes de sueur salée me coulent sur le front.
23 décembre 1942.
Quelques minutes avant midi, je suis rentré d'une mission d'escorte au-dessus de la mer. Dix gros cargos, accompagnés d'un torpilleur et de quatre vedettes rapides attendent la marée montante pour entrer dans l'embouchure de la Weser.
Une heure plus tard, je survole encore une fois nos bâtiments. Groupés sur les ponts encombrés, les marins m'adressent des signes amicaux. Ce soir, ils seront particulièrement heureux d'aller à terre. Demain, c'est Noël...
Pour moi, le Père Noël a choisi le plus magnifique des cadeaux : une visite de Lilo qui m'apportera dans ses bras notre fille Ingrid.
24 décembre 1942.
Soir de Noël !
Cette nuit, tout est calme, chez nous comme chez ceux d'en face. Ainsi, nous aurons pour quelques heures l'illusion de la paix. La paix que l'ange souhaitait aux hommes de bonne volonté...
Lilo est près de moi. Pour la première fois, nous sommes réunis tous les trois sous l'arbre orné de boules multicolores et de guirlandes brillantes. Ingrid, en arrivant ici, a commencé par pleurer. Elle avait peur de cet inconnu qui s'obstinait à l'embrasser. Maintenant, assise sur mon épaule, elle pousse des cris de joie et tend ses menottes vers les bougies allumées...
Le silence... la bouche chaude et douce de Lilo... son parfum qui se mêle à l'odeur du sapin... Instants fugitifs de bonheur, d'un bonheur d'autant plus précieux que nous le savons terriblement précaire.
Mon ami Dieter Gerhard pousse la porte, s'incline devant Lilo, lui baise la main. Ce soir, tout le monde a une âme de civil.
Dehors, une épaisse couche de neige recouvre le paysage. Une neige magnifique, immaculée, comme on en voit rarement sur les côtes continentales de la mer du Nord. De la baraque de la compagnie
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