La grande Chasse
chaque fois que vous descendez une grosse bagnole, explique-t-il. La guerre me reviendrait trop cher.
Aujourd'hui, notre compte courant, côté actif, s'augmente de onze quadrimoteurs ! Onze forteresses volantes qui ne bombarderont plus jamais les villes allemandes !
Nos vedettes rapides repêcheront une demi-compagnie d'aviateurs américains, sans parler de l'ami Höfig qui est en train de barboter avec les copains du secteur postal opposé.
Dans la soirée, un hydravion le ramène de Héligoland où une vedette l'a déposé juste à l'heure du déjeuner. A part quelques brûlures superficielles au front et aux mains, il est indemne. S'il titube et, à tout instant, éclate d'un rire légèrement idiot, c'est que les gars de la marine l'ont trop arrosé d'alcool, histoire de lui faire oublier le goût de l'eau salée.
— Eh bien, mes enfants, quelle rigolade ! répète-t-il constamment, sans préciser s'il parle de son bain ou de ses libations.
Cependant, le véritable héros du jour est Johnny Fest, l'homme qui, d'une bombe, a descendu trois forteresses. Quand je lui dis qu'il a droit, à lui seul, à un bon quart des félicitations officielles, il rougit comme une jeune fille à son premier baiser. Pourtant, Johnny n'a rien d'une jeune fille...
15 août 1943.
Pour nous récompenser, ces messieurs de la section d'études ont inventé quelque chose de nouveau.
Les mécaniciens montent sous chaque aile de nos appareils un « tuyau de poêle ». En réalité le tube de lancement d'une grenade de 210 mm, plus exactement une fusée, avec sa charge de propulsion, sa charge explosive et son détonateur. Si ça continue, ils finiront par nous équiper de canons à longue portée !
Il paraît qu'il faut lancer ces pralines d'une distance de huit cents mètres, de derrière, dans les phalanges de bombardiers.
17 août 1943.
Ce matin, dès potron-minet, nous recevons l'ordre de nous installer sur-le-champ à Rheine, terrain situé à quelques deux cents kilomètres dans le sud. On s'attend à des attaques massives sur le centre de l'Allemagne. Nous serons engagés en même temps que les autres groupes déjà stationnés dans la région.
Une heure et demie plus tard, changement de programme. Nous allons à Gilze Rijn, une grande base hollandaise. Nous y arrivons vers midi. Un terrain immense que les bombes des Tommies ont copieusement labouré, il y a quelques jours.
Il fait une chaleur atroce. Heureusement, le mess est bien organisé. Des serveuses appétissantes roulent jusqu'à nos appareils des chariots chargés de rafraîchissements et de plats bien remplis.
A 13 h 15, alerte : décollage immédiat. Au-dessus d'Anvers, nous rencontrons l'ennemi : une puissante formation de forteresses volantes, escortée de Spitfire. Avec mes tuyaux de poêle, pas question d'engager la bagarre contre des appareils de chasse. Pourtant, je ne voudrais pas les larguer dans la nature. Attendons !
Juste avant Aix-la-Chapelle, les Spitfire font demi-tour et rentrent à tire-d'aile. Maintenant, nous pouvons attaquer.
Je ne suis pas encore à bonne portée quand un obus traverse mon plan gauche et décroche le tube de lancement. Crispé aux commandes, je dois lutter de toutes mes forces pour maintenir mon zinc en équilibre. Du coin de l'œil, j'examine le trou respectable dans l'aile. Hum ! Probablement le longeron principal a pris un coup. Au moindre effort brusque, l'aile risque de se détacher. Ce qui signifie qu'il faudra renoncer aux virages serrés.
Je pourrais tout de même essayer d'expédier ma seconde grenade dans le box ennemi. Presque tous mes pilotes ont déjà lancé les leurs. Deux projectiles ont fait mouche, et je vois les bombardiers atteints éclater comme des bulles de savon. Les autres grenades, par contre, ont manqué leur but. Je lâche la mienne qui s'enfonce de biais dans la formation, pour ressortir de l'autre côté sans avoir explosé.
Pour l'instant, je ne puis rien faire de plus. Laissant les camarades poursuivre l'attaque avec leurs armes de bord, je file jusqu'au terrain de Bonn-Hangelar. Un mécanicien-chef constate qu'en effet, le longeron principal est entamé. Pour aujourd'hui, mon zinc est hors de combat. On me promet de remplacer l'aile endommagée au cours de la nuit.
A petits pas, les mains dans les poches, je flâne sur le terrain. Sans cesse atterrissent des Messerschmitt et des Focke-Wulf qui reviennent du combat. Une trentaine d'appareils appartenant à plusieurs unités
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