La grande Chasse
à 2 000 mètres, 1 500, 1 000...
Eh bien, résignons-nous ! Je choisis un champ étiré en longueur et amorce de très loin ma prise de terrain. La terre monte vers moi à une vitesse affolante.
Comme je vais être obligé de me poser sur le ventre, je lance encore une fois le moteur. Il démarre... il tourne...
Attention ! Mon virage n'est pas assez serré. Je vais me jeter dans les peupliers. Essayons de reprendre quelques mètres...
Soudain, le moteur coupe ! L'hélice ralentit, puis, s'arrête, comme immobilisée par un poing géant.
Les commandes ramollissent, l'appareil se penche, il dérape sur le plan gauche. Je le laisse aller, pour le rattraper quelques mètres plus bas. Sous mes ailes, défilent les maisons d'un village. A la sortie, j'évite de justesse la cime d'un vénérable tilleul.
Le badin indique 220 km/h. A tout prix, il faut que je m'approche du sol ! 200 km/h. Mes plans accrochent une pointe de peuplier...
180 km/h. Lancé au ras des pâquerettes, j'emporte deux ou trois clôtures dont les poutres et les planches tourbillonnent de tous les côtés. L'appareil soulève un nuage de poussière dans lequel s'envolent des mottes de terre. Le ventre se pose... je freine sec, arc-bouté dans les sangles, les pieds appuyés sur les pédales des palonniers.
Bonté divine — un talus juste devant moi —, un fracas épouvantable auquel succède un silence brutal...
Lentement, les mains tremblantes, je me détache et m'extirpe du cockpit.
Seigneur ! Mon « Gustave » a l'air d'un seau à confitures piétiné par un taureau en furie. Ce n'est plus qu'un lamentable amas de ferraille que personne ne prendrait pour les restes d'un avion. Seule la roue arrière du train d'atterrissage est restée intacte. De ma manche droite, coule un mince filet de sang.
27 août 1943.
Le toubib a extrait les éclats qui s'étaient logés dans mon bras. Les plaies sont déjà refermées.
Depuis une semaine, nos « Gustave » traînent, en plus des tuyaux de poêle, des réservoirs supplémentaires qui doivent augmenter notre rayon d'action. Il paraît qu'on va nous engager dans le Centre de l'Allemagne et jusqu'en Bavière.
Ce matin, dès 9 heures, les haut-parleurs annoncent des concentrations ennemies dans le fameux carré Dora-Dora. Ça devient fastidieux. Pourquoi les Ricains ne se groupent-ils pas, de temps en temps, dans une autre carré de la carte ?
Décollage à 10 h 30. Le temps est couvert. A 3 000 mètres, nous pénétrons dans les nuages. En émergeant de l'autre côté, en plein soleil, nous découvrons l'ennemi, presque à notre verticale, à environ 6 000 mètres. Les bombardiers, en formation largement étagée, se dirigent droit vers l'est. Prenant un cap parallèle, nous grimpons jusqu'à leur niveau.
Les réservoirs supplémentaires sont encore à moitié pleins quand je donne l'ordre de les larguer.
Manifestement, l'ennemi redoute nos grenades. Pendant que nous manœuvrons pour nous placer en bonne position, l'énorme phalange se divise en plusieurs groupes de 30-40 appareils qui changent continuellement de cap. Une tactique assez adroite qui réduira considérablement l'effet de nos attaques. Curieux que les tacticiens d'outre-Atlantique n'y aient pas songé plus tôt !
Choisissant un box au hasard, je reforme l'escadrille et la conduis jusqu'à 600 mètres de l'objectif. Puis, avec un ensemble parfait, nous lançons nos grenades.
Jamais encore, nos bordées n'ont obtenu un tel résultat !
Mes deux projectiles frappent de plein fouet une forteresse volante qui explose avec ses bombes. Ce n'est plus qu'une masse de flammes d'où s'échappe une pluie de débris incandescents.
Wenneker, lui aussi, a atteint une grosse bagnole qui s'embrase et, après une abattée brutale, se met en vrille.
Mon chef de section, le sergent Reinhard, place ses grenades à quelques mètres d'un Bœing. Rudement secoué, le gros bombardier dégage à bâbord et disparaît dans une falaise de nuages.
Reinhard se lance à sa poursuite. Bien placé dans son sillage, il tire rafale sur rafale pour l'achever.
Machinalement, je fais, du regard, le tour de l'horizon. Tiens, qu'est-ce que cela peut bien être ? Au-dessus de nous, apparaissent d'étranges filets de condensation. Les traînées sont doubles. Peu à peu, j'arrive à distinguer les appareils qui les tracent dans le ciel. Ils sont extrêmement rapides.
Voilà qui est bizarre ! Je sais que, du côté allemand, seuls des
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