La grande Chasse
sont en train de refaire le plein d'essence et de se réapprovisionner en munitions. Je remarque que, parmi les pilotes, ne se trouve aucun chef d'escadrille.
Les Ricains sont encore en train d'attaquer les usines de roulements à billes de Schweinfurth. Des masses énormes de bombardiers passent au-dessus de nous, très haut, en direction du sud-est.
Et mon zinc qui est abîmé ! Il a de quoi hurler de rage !
Tant pis, je décollerai quand même. Le mécanicien-chef a beau protester, je vais le faire préparer.
Puis, je réunis tous les pilotes disponibles, les répartis en sections et prends le commandement de cette escadrille improvisée.
A 17 heures précises, j'emmène tout le monde contre les Américains qui, entre temps, ont repris le chemin du retour. J'espère bien les secouer un peu.
Je sais que je dois traiter mon coucou avec une extrême prudence, à peu près comme un œuf cru. Pour l'instant, il monte normalement. Bientôt, nous atteignons l'altitude de 7 000 mètres. Juste devant nous, vole une formation de quelque 250 Bœing.
Lentement, nous réduisons la distance. A 300 mètres, je déclenche l'attaque. Chacun pour soi !
Laissant les autres foncer dans le tas, je reste moi-même derrière le box, pour ne pas exposer mon appareil à des manœuvres trop violentes. Ma cible est toute trouvée, une forteresse qui, légèrement déportée sur la gauche, avance au-dessous du gros de la formation. A 150 mètres, j'ouvre le feu, à coups de rafales sèches. Le bombardier riposte vigoureusement. Les colliers mouvants de ses traceuses m'encadrent de près, de très près même.
Je n'ose guère me dérober par les zigzags habituels. Constamment, je louche vers mon plan troué. Tiendra ? Ne tiendra pas ?
Tout à coup, une gerbe arrive droit dans mon appareil. Je sens une âcre odeur de poudre et de roussi. Instinctivement, je me recroqueville derrière le moteur qui tourne toujours, sans une défaillance. Allons, ce n'est pas encore pour cette fois ! Je m'approche davantage, à moins de cent mètres, tout en corrigeant doucement ma visée. Posément, j'appuie sur les boutons de déclenchement. A cette distance, je ne peux le manquer.
En effet, mes rafales traversent ses ailes, s'enfoncent dans son fuselage, labourent son ventre. L'Américain n'est plus qu'une boule de feu qui roule de plus en plus vite vers les prairies marécageuses. Quatre parachutes s'épanouissent derrière lui.
Je suis sur le point d'entamer un prudent virage quand une grêle de balles s'abat sur mon appareil. J'ai l'impression d'être assis dans un tonneau sur lequel un mauvais plaisant viderait un sac de pommes de terre.
Ils m'ont quand même eu ! Des flammes sortent de mon moteur, une fumée corrosive me pique les yeux... Je repousse le hublot. Aussitôt, la fumée devient plus épaisse. Lentement, l'huile surchauffée coule sur le plan gauche.
Je préfère couper le moteur. Les thermomètres indiquent que l'huile et le glycol ont atteint leur point d'ébullition. Pourvu que l'aile gauche tienne !
Puis, tout à coup, les flammes disparaissent. L'incendie est éteint.
Je largue complètement le hublot. Le souffle du vent m'arrache littéralement l'air de la bouche, m'enlève mon foulard, tire furieusement sur mon casque.
Ne ferais-je pas mieux de sauter ?
Attendons encore un peu. Pour l'instant, mon coucou continue à voler.
L'hélice bloquée, je descends lentement, en vol plané, toujours vers l'est. Malgré le vent qui siffle le long du fuselage, je suis trempé de sueur.
Devant moi, en contrebas, le ruban argenté du Rhin serpente dans un paysage desséché. L'air vibre sur la plaine infinie. 4 000 mètres !
Avec un peu de chance, je regagnerai Bonn-Hangelar.
3 000 mètres ! Mon zinc descend beaucoup trop vite. Evidemment, un Messerschmitt 109 n'est pas un planeur.
Et si je relançais le moteur ?
Je règle l'hélice, appuie sur l'allumage, ouvre prudemment l'admission des gaz pour rattraper un peu de vitesse. Le moteur démarre, tousse, crachote, puis — miracle des miracles — se met à tourner normalement.
Doucement, comme à tâtons, je regrimpe jusqu'à près de 4 000 mètres. Peine perdue ! Déjà, le moteur recommence à cramer et à dégager cette horrible fumée qui me prend à la gorge.
Je coupe le contact, tant pis, il va falloir continuer à planer. En tout cas, je me m'aviserai plus à taquiner le moteur.
Nom d'un chien ! Jamais, je n'arriverai à Hangelar. Me voilà déjà
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