La grande Chasse
Messerschmitt et des Focke-Wulf ont été engagés.
Les appareils inconnus tournent continuellement au-dessus des quadrimoteurs. Si ce sont des nôtres, qu'est-ce qu'ils attendent pour attaquer ?
Montant en chandelle, je pénètre dans ce carrousel mystérieux.
Bonté divine ! Ce sont des Lightning. Il y en a une bonne douzaine. En hâte, je signale aux camarades que les Ricains ont emmené une escorte.
Comme je ne peux guère les attaquer tout seul, je pique de nouveau sur les forteresses volantes. Soudain, juste devant moi, je vois dévaler quatre appareils qui semblent tomber du ciel Ils portent l'étoile blanche des forces américaines et, sur les plans, de larges bandes également blanches. Des Thunderbolt, probablement. Un type d'appareils que nous n'avons pas encore rencontré. Eh bien, ça promet !
Sans hésiter, je me lance à leurs trousses. Ils décrivent un virage serré, en direction d'une forteresse dont les deux moteurs extérieurs sont arrêtés. Dans le sillage du quadrimoteur, un Messerschmitt. Pas de doute, c'est Reinhard. L'imbécile ne s'intéresse qu'à sa victime. Si bien qu'il n'a pas encore aperçu les chasseurs qui se faufilent derrière lui ! Je me mets à hurler.
— Reinhard, dégagez, fichez le camp, deux Thunderbolt derrière vous !
Il ne répond même pas. Entêté comme une mule, il continue à arroser sa forteresse.
Je plonge en biais sur les chasseurs ennemis. Le premier Thunderbolt a déjà ouvert le feu sur cet idiot de Reinhard qui poursuit toujours sa proie.
Encore quelques secondes, et j'arrive en position de tir. A la première rafale, le Thunderbolt prend feu et, désemparé, s'abat en tournoyant. Et de deux !
Tout à coup, une giclée de balles pénètre dans mon zinc. Surpris, je tourne la tête. A cinquante mètres derrière moi, un Thunderbolt ajuste son tir. Deux autres dégringolent pour lui prêter main-forte.
Des deux mains, je renverse le manche pour me lancer pleins gaz dans les nuages qui montent vers nous.
Mon moteur est en flammes. Une chaleur suffocante envahit mon cockpit. D'un instant à l'autre, je vais griller dans cette cage.
Je largue le hublot, arrache le masque à oxygène, détache les sangles qui me retiennent au siège. Remontant les jambes, j'envoie de toutes mes forces le manche en avant. Le vent m'empoigne, me soulève, me projette dans l'espace. Un double saut périlleux — un sifflement dans mes oreilles — doucement, j'actionne la poignée du parachute. L'ouverture de la corolle fait entrer les courroies dans ma chair. Une violente secousse, — j'ai l'impression, après ma chute hallucinante, d'être immobile, suspendu en l'air.
Lentement, d'un mouvement balancé, je descends vers la terre. C'est quand même rudement pratique, un parachute — à condition qu'il s'ouvre.
A 11 h 26, j'atteins le sol, en l'occurrence une charmante prairie. Trente et une minutes plus tôt je décollais. Entre-temps, trois appareils ont disparu du ciel. Je me console de la perte de mon coucou en pensant que le score, deux à un pour moi, est encore honorable.
Arndt, mon mécanicien, fait une drôle de tête en me voyant revenir à pied, le parachute sous le bras.
— Notre beau « Gustave », murmure-t-il. Je l'avais si bien astiqué... Vers la fin de l'après-midi, je peux dresser le bilan de la journée. Ce n'est pas brillant. Le sous-officier Dolling est mort. Les adjudants Raddatz et Johnny Fest — ils ont eu le temps de sauter en parachute — sont assez grièvement blessés. La 4e escadrille a deux morts et un blessé grave. L'état-major un mort. Mais la 6e escadrille a perdu neuf pilotes sur douze ! Et comme les trois survivants ont dû sauter, la 6e n'a pas vu revenir un seul de ses appareils.
Dans la colonne de l'actif, je peux inscrire douze victoires dont six obtenues par mon escadrille. Quant à moi, j'ai pu porter ma liste à seize appareils abattus.
Nos lourdes pertes s'expliquent par le fait que l'intervention des chasseurs américains nous a surpris en pleine action. Jusqu'à présent les bombardiers étaient si rarement escortés que nous ne songions même pas à assurer nos arrière.
Nous avons tout de même obtenu un beau succès défensif. Le raid américain n'a pas atteint son objectif. Presque tous les quadrimoteurs ont dû ramener leurs bombes. Seule une petite formation a largué les siennes, au hasard d'une trouée dans les nuages, sur une bourgade de la Frise orientale. Les bombes sont tombées sur
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