La grande Chasse
exterminer.
Lilo, toujours douce et compréhensive, n'a pas essayé de me retenir. J'ai quand même des remords...
A Hameln, j'ai fait confectionner une calotte en cuir pour protéger mon pansement. Une courroie attachée à la calotte me permettra de manier le manche.
Au cours de la semaine passée, je me suis beaucoup promené, à bord d'un Taiphoun, un appareil de voyage, à quatre places, aux lignes élégantes.
Aujourd'hui, j'ai survolé l'agglomération hambourgeoise. Les Anglais, par leurs attaques nocturnes, et les Américains par leurs bombardements diurnes, ont détruit une partie importante de l'immense ville. Des quartiers entiers ont été « nettoyés » au phosphore. On estime le nombre des morts à cent mille.
La veille, les Américains ont bombardé certains objectifs militaires. Ce matin, les incendies font rage au milieu des ruines. Un fantastique champignon de fumée s'élève jusqu'à mille mètres et s'étire, dans une bande large de vingt à trente kilomètres, jusqu'à la côte de la Baltique, sur plus de cent kilomètres.
Dans le ciel d'une pureté éblouissante, ce nuage sinistre évoque toute l'horreur de la guerre moderne...
28 juillet 1943.
— Concentrations ennemies dans Dora-Dora !
Nous avons déjà compris. Ce sera encore pour nous. Je vais attacher ma main au manche. On verra bien ce que ça donnera.
Nous décollons avec 11 appareils, à 8 h 33. Chaque zinc emporte, sous le ventre, une bombe de 250 kilos.
Les bombes lâchées, nous assistons à un spectacle extraordinaire :
Au-dessous de nous, la formation ennemie, étroitement serrée un instant plus tôt, se désagrège en un clin d'œil. Certaines forteresses piquent désespérément, d'autres dégagent de tous les côtés. Quelques-unes évitent de justesse la collision. La bombe de l'adjudant Fest a explosé au milieu d'un groupe de trois bombardiers. Presque simultanément, tous les trois s'abattent, les ailes fauchées par la déflagration. Vingt parachutes au moins s'épanouissent dans le ciel.
Dans les écouteurs, éclatent des cris de joie. Nous ne sommes plus qu'une bande de gamins qui décrivent des loopings et des tonneaux au-dessus du box disloqué. Trois d'un seul coup ! J'ai du mal à rétablir l'ordre.
— Et maintenant, en avant ! Dans le tas !
Déjà, j'aligne un quadrimoteur intact dans mon collimateur. Je pilote aujourd'hui pour la première fois un nouvel appareil, équipé d'un canon central de 30 mm. Mes obus ouvrent des brèches énormes dans le fuselage de l'Américain qui, effrayé, dérape sur l'aile pour se sauver vers le bas. Cinq ou six autres, la plupart en feu, quittent également la formation. Nous allons les achever séparément. L'un après l'autre, ils s'embrasent, tombent en vrille, disparaissent dans l'eau. Bientôt six taches d'huile enflammée marquent autant de points de chute.
Mais le gros de la formation se défend avec acharnement. Comme je me retourne pour suivre du regard ma première forteresse, je vois un de nos propres appareils s'écarter en titubant. L'instant d'après, son aile droite s'enflamme. Pleins gaz, je fonce pour le rejoindre. C'est l'appareil du sous-officier Höfig, un de mes meilleurs pilotes.
— Du calme, Höfig, gardez votre sang-froid ! Je sais bien que c'est facile à dire. Maintenant, son fuselage flambe comme du bois mort.
— Sautez, Höfig, autrement, vous allez vous rôtir les fesses !
Quelques instants de tension insupportable, puis, je vois son corps se dresser au-dessus du hublot. Le vent l'arrache, le projette vers le haut et, enfin, l'abandonne.
Lancé dans le vide, Höfig tombe, en chute libre, environ deux mille mètres avant de tirer sur la boucle de son parachute. En voilà un qui ne doit pas souvent perdre la tête.
Je pique à sa suite, le rattrape et décris des cercles autour de lui. Il agite la main, secoue la tête et, avec une grimace, montre la mer qui se rapproche rapidement. Ce bain forcé n'a pas l'air de l'enchanter.
Par la radio, j'avise la tour de contrôle :
— Petit frère vient de sauter, dans carré U-Q-6. Prière de le repêcher.
— Victor, Victor (compris, compris), répond la voix du contrôleur.
A 9 h 50, dix appareils regagnent le terrain. Les mécaniciens nous portent en triomphe. Après tout, ils peuvent eux aussi revendiquer une part de l'honneur. Mon fidèle Arndt m'offre — pour la sixième fois — le même pot de fleurs.
— Je ne peux tout de même pas en acheter un autre,
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