La grande Chasse
les lèvres, me brûle les yeux. Une véritable partie de plaisir, quoi !
D'un geste nerveux, j'ouvre le sachet contenant la poudre colorante. A présent, je flotte au milieu d'une immense tache verte, aux reflets chatoyants.
Ma montre est arrêtée. On m'avait pourtant garanti son étanchéité et sa résistance aux chocs.
En frappant l'eau, j'ai perdu mon pistolet lance-fusées. Furieux, je détache la ceinture contenant l'étui à fusées, et la lance dans l'eau. Qu'est-ce que j'en ferais ?
Au-dessus de moi, le ciel est vide. Depuis une demi-heure au moins les camarades ont repris le chemin du terrain. Quelques traînées de condensation serpentent encore entre les nuages.
Je ne sais plus combien de temps je mijote dans ce bain salé. Enfin, j'entends comme un bourdonnement qui approche, s'enfle, devient une pétarade assourdissante. Une vedette surgit entre deux lames. Elle ralentit, vire de bord, vient se ranger contre mon canot. Des bras vigoureux me soulèvent.
Enveloppé dans une couverture, je suis débarqué à Heligoland.
Le soir, un hydravion me ramène à Marx.
10 septembre 1943.
Et le jeu continue !
Aujourd'hui, les Américains lancent une attaque massive sur Munster. Au-dessus de la ville en flammes, alors que nous allons nous jeter sur une formation de forteresses volantes, nous sommes surpris par une vingtaine de Thunderbolt. C'est aussitôt une course-poursuite échevelée ! Le Thunderbolt paraît assez lourd, mais c'est un appareil rapide et très maniable. Cependant, je crois que le Messerschmitt 109 entre les mains d'un bon pilote, lui est supérieur.
Du coin de l'œil, je vois un Messerschmitt 110 se lancer tout seul à l'attaque d'un box de bombardiers. Ses quatre grenades arrivent aux centre de la formation. Deux grosses bagnoles éclatent, projetant leurs débris sur leurs voisins.
L'instant d'après, plusieurs Thunderbolt se jettent sur le vainqueur. Suivi des adjudants Barran et Führmann, je pique pour les intercepter.
Ma première rafale liquide un Américain dont le zinc se désagrège sous mes yeux. Führmann en descend un second, puis, toute la meute nous tombe dessus. Nous nous débattons comme des diables dans un bénitier. Je présente un véritable programme de haute école et, finalement, m'échappe par une grimpée en spirale.
Je sais que cette manœuvre dépasse les possibilités du Thunderbolt. Malheureusement, elle dépasse aussi celles des deux adjudants qui décrivent des zigzags désespérés, essayant vainement de semer la douzaine de Ricains qui les serrent de près.
Le Messerschmitt 110 a profité de la diversion pour prendre du champ.
Comme je ne veux pas abandonner mes camarades, je pique encore une fois sur leurs poursuivants, tiraillant au hasard, afin de détourner leur attention. Je réussis si bien que j'encaisse un obus dans l'empennage, et un autre dans le plan gauche.
Mon moulin passe sur le dos et commence à tomber, presque à la verticale. Rien à faire pour le redresser. La chute infernale continue jusqu'à environ mille mètres. Cette fois, c'est grave. Mes mains se mettent à trembler, une sueur froide sourd de tous mes pores. Serait-ce la fin ?
Dans mon désespoir, j'essaie de pousser le manche contre la paroi latérale. Il ne bouge même pas. Je remonte les pieds et, de toutes mes forces, pèse sur la commande bloquée...
Une gifle effroyable ! Mon crâne résonne contre la paroi de droite. Etourdi, je me rends à peine compte que l'appareil a repris sa position normale et vole tranquillement, en ligne droite !
A Twente, un de nos terrains auxiliaires, je me pose à côté de la piste, sur le ventre. Mon « Gustave » n'est pas joli à voir. Une moitié du train d'atterrissage est fauchée, la partie supérieure de l'empennage arrachée, le fuselage troué comme une écumoire.
Quelques minutes plus tard, atterrit sur la piste centrale un Focke-Wulf apparemment intact. Au contact du sol, une partie du train se replie, l'appareil capote et, aussitôt, s'enflamme. Le pilote, coincé dans le cockpit, se consume sous mes yeux. Je ne peux même pas m'approcher du brasier, tant la chaleur est intense.
Les jambes coupées, je m'affale dans l'herbe.
Comme je me relève, au bout d'un quart d'heure, une formation de quadrimoteurs lâche une pluie de bombes en bordure du terrain.
Pour aujourd'hui, j'ai mon compte !
17 décembre 1943.
Ce matin, des « taxis aériens » ont transporté à Achmer les pilotes de trois groupes de
Weitere Kostenlose Bücher