La grande Chasse
appareils de combat, des Arados 65 et 68, des Heinkel 43 et 46, des avions de reconnaissance rapprochée, etc, Quelques Junker W 34 — c'est avec la première version de cet appareil que, quinze ans plus tôt, Köhl et Hühnefeld traversèrent l'Atlantique — sont utilisés pour les vols de distance et d'orientation.
Hier, alors que je me rendais en Prusse Orientale avec un antique GO 45, j'ai eu une panne de moteur. Comme je me trouvais à tout au plus cinq cents mètres, je n'eus guère le temps de choisir un terrain approprié. Je dus me poser dans un champ labouré. Cette fois, le train d'atterrissage se brisa net. L'avion capota. Je me dégageai après un quart d'heure d'efforts frénétiques. La principale conduite d'essence était arrachée, et mon cuir chevelu sérieusement écorché.
Je dus rentrer par le train. Dans les gares, les gens prennent cet aviateur à la tête enturbannée d'un énorme pansement pour un blessé de la campagne de France. Pour rien au monde, je n'avouerais que je me suis simplement cassé la figure.
19 mai 1940.
La passe de déveine continue.
Aujourd'hui, comme je me pose sur le terrain d'Altdamm, je fauche encore le train d'atterrissage. Il faut dire que le temps est épouvantable. Contre une tempête pareille, mon coucou archaïque ne peut vraiment pas lutter.
Cela fait la seconde fois que je dois rentrer par le train.
26 août 1940.
J'ai obtenu mon diplôme de pilote. L'instruction de base est terminée. Nous quittons l'Ecole de Guerre. Menapace et moi sommes versés dans l'aviation de chasse. Notre mutation au camp de Werneuchen a été annoncée avant-hier.
Aujourd'hui nous commençons l'entraînement « réel », sous la direction de l'adjudant Kugel. C'est un as qui a rapporté, des campagnes de France et de Pologne un beau palmarès et une magnifique brochette de décorations. Il nous fait décrire un carrousel échevelé. Rentré au terrain, j'ai des bourdonnements de crâne, ma chemise est littéralement trempée de sueur. Menapace est dans le même état, malgré son sang-froid légendaire. Un petit avant-goût de ce qui nous attend au front !
12 octobre 1940.
J'espérais être envoyé dans une unité combattante encore avant la fin du mois. Malheureusement, notre instruction est très en retard sur les prévisions Un jour sur deux, le mauvais temps nous cloue au sol.
Tout comme à Schoenwalde, le service au camp de Werneuchen est extrêmement dur. Au cours des six dernières semaines, notre escadrille a eu huit morts !
Aujourd'hui, c'est le sous-officier Schmitt, l'aîné des cinq hommes qui composent mon groupe. Depuis plusieurs jours, on nous préparait théoriquement au pilotage du fameux Messerschmitt 109, appareil magnifique, mais difficile et même dangereux à manier. Préparation si intense que je crois pouvoir faire les manœuvres nécessaires même en dormant.
Ce matin, nous amenons pour la première fois un Me 109 sur la piste de départ. Comme tout le monde est impatient d'essayer cet avion de chasse ultra-moderne, nous tirons au sort. C'est Schmitt qui gagne. Son décollage est parfait. Le Me 109 est pourtant sujet à des embardées terribles tant qu'il est encore au sol. Arraché trop tôt, l'appareil dérape inévitablement sur l'aile gauche. Par la suite, je devais assister des centaines de fois à ces abattées foudroyantes [2] . Trop souvent, on ne retirait des débris qu'un cadavre.
Après deux tours de terrain, Schmitt amorce son atterrissage. Mais il sous-estime sa vitesse le Me 109 se pose à environ cent cinquante kilomètres-heure, — est emporté trop loin et doit recommencer. La seconde tentative avorte également. Au troisième passage, l'appareil, cette fois en perte de vitesse, dérape brutalement sur le plan gauche et s'écrase à quelques centaines de mètres de la lisière du terrain. Sous la violence du choc, les réservoirs explosent. Nous nous précipitons vers le brasier. J'arrive le premier. Schmitt, projeté dehors, gît à peut-être dix pas des débris incandescents. Il est inondé de sang et hurle comme une bête. Me penchant sur lui, je vois qu'il a les deux jambes arrachées. Ne sachant que faire, je glisse un bras sous sa tête. Ses cris me rendent complètement fou. Du sang ruisselle sur mes mains, s'égoutte sur mes bottes. Jamais encore, je ne me suis senti aussi impuissant. Puis tout à coup, un profond silence. Schmitt est mort.
Une heure plus tard, j'amène un second Me 109 sur la piste. Le commandant
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