La grande déesse
évangéliste à signaler la présence de la mère de Jésus, les synoptiques se contentant de mentionner Miriâm de Magdala et les femmes qui avaient suivi Jésus depuis la Galilée. À priori , comme Jean est le seul évangéliste témoin de la crucifixion, on serait tenté de préférer sa version à celle des autres. Mais il y a beaucoup de symboles chez Jean, qui sont de coloration nettement gnostique, et l’on ne peut s’empêcher de penser que cette « triade » de Marie recèle une signification d’ordre plus subtil. Dans l’Antiquité classique, mais surtout dans le domaine celtique, les personnages divins de nature féminine sont la plupart du temps triplés, constituant de véritables « trinités ». Il en est ainsi dans tous les récits mythologiques irlandais, notamment à propos de la « triple Brigit » ou de « Brigit aux trois visages » (Brigit, Bodbh, Morrigane), mais il en est de même dans la statuaire gallo-romaine qui abonde en représentations tricéphales ou de groupes de trois matrones , c’est-à-dire de trois déesses mères. Les trois Maries présentes sous la croix de Jésus ne seraient-elles pas l’expression d’un concept trinitaire, à savoir le concept de la Grande Mère universelle représentée sous ses trois aspects ? Ce n’est qu’une question, mais elle est importante, surtout à cause de la présence – parfois gênante pour les commentateurs – de Miriâm de Magdala, la Madeleine si célèbre dans la tradition populaire chrétienne.
Il faut dire que cette Madeleine demeure bien mystérieuse : est-elle un personnage unique, ou apparaît-elle sous trois aspects et trois noms différents ? La lecture attentive des textes canoniques ne permet pas de répondre catégoriquement à cette question car, en dehors de la mère de Jésus, il y est fait mention de trois Maries qui sont les « saintes femmes » venues de Galilée et qui, en définitive, pourraient bien n’être qu’une seule et même personne. Il y a d’abord la pécheresse pardonnée par Jésus chez le pharisien Simon (Luc 7), puis Marie de Béthanie, sœur de Marthe et de Lazare, qui répand du parfum sur les pieds de Jésus (Jean 11 et 12) et enfin, au Golgotha et au tombeau, la Marie dite de Magdala (jJean 19 et 20). Et rien, dans le contexte, ne peut s’opposer à une identification de ces trois femmes en une seule et unique.
De toute façon, ces femmes occupent un rang social élevé et sont fortunées, y compris la « pécheresse » – donc une prostituée – qui se trouve dans la maison de Simon. On oublie trop que Jésus, pendant sa vie errante publique en compagnie de ses disciples, n’a jamais eu de difficultés matérielles. Or, lui et ses compagnons ne vivaient pas de l’air du temps, et Judas était même le Trésorier du groupe, preuve que l’argent ne manquait pas. Était-ce une fortune personnelle, ou l’accumulation de « subventions » accordées par des familles riches ? Dans ce cas, il faudrait penser que Miriâm de Magdala, sans aucun doute l’une des toutes premières disciples de Jésus, aurait pu soutenir matériellement son action, car Magdala était, en ce temps-là, une ville dont la prospérité semblait reposer sur la présence d’établissements d’un genre particulier, et la Madeleine aurait pu être la richissime propriétaire d’un de ces établissements. Ceux-ci sont difficiles à définir, encore que l’ombre de la prostitution rôde sans cesse autour de Miriâm de Magdala. Mais quelle prostitution ? C’est là que peut réapparaître, en toute logique, le culte, jugé scandaleux par certains, de la divinité mère, sous une quelconque appellation. Miriâm de Magdala, qu’on considère trop souvent comme une ancienne patronne de bordel, n’était-elle pas plutôt une grande prêtresse de la Grande Déesse, maîtresse d’une troupe de hiérodules, autrement dit de prostituées sacrées ? Hypothèse qui est loin d’être absurde. Lorsque, dans la maison de Béthanie, la sœur de Lazare (ami très cher de Jésus) répand le parfum sur les pieds du Christ, elle accomplit un véritable rituel – que Judas, très choqué, juge sévèrement 10 » –, un authentique rituel d’onction royale. L’événement, rapporté en détail dans l’Évangile de Jean, est de toute première importance, car il ne constitue pas une simple marque de déférence envers Jésus. Cela va beaucoup plus loin, comme il ressort de la réflexion de Jésus
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