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La grande déesse

La grande déesse

Titel: La grande déesse Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean Markale
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femmes leur nature humaine intégrale, on les avait écartées délibérément du culte et surtout du sacerdoce, celui-ci devenant l’exclusivité des fils du Dieu père. Cette exclusion, commencée par saint Paul, s’est maintenue et parfois amplifiée au cours des siècles, et se manifeste avec autant de virulence de nos jours, comme en témoignent les réticences vis-à-vis de la prêtrise des femmes, même au sein de l’Église anglicane, apparemment plus libérale, ainsi que le refus total et absolu d’une telle aberration par la mentalité de la majorité des chrétiens de toutes obédiences. Malgré des discours qui se veulent féministes, malgré d’importantes concessions faites à l’apostolat des femmes, la règle est toujours masculine : seul un homme peut représenter Jésus, et donc le Dieu père, car admettre les femmes dans la fonction sacerdotale serait revenir purement et simplement aux cultes jugés scandaleux d’avant le christianisme.
    Mais cette méfiance, parfois teintée d’hostilité, envers les femmes, est un phénomène d’origine socio-culturelle et, de même qu’il n’en a pas été toujours ainsi, il est fort possible qu’elle s’atténue progressivement et disparaisse. Bien différent est le concept même de divinité mère qui appartient par nature à la pensée humaine, sans doute parce qu’il touche au plus profond de l’être, à savoir les rapports affectifs autant que biologiques entre la mère et l’enfant. Il s’agit là d’un principe fondamental qui, même combattu ou refoulé, constitue une des composantes de l’être humain. On a cru avoir chassé définitivement du Temple l’image rassurante autant que provocatrice de la déesse mère des origines : elle y est revenue et y a pris même bien souvent une place prépondérante. Non, la Grande Déesse n’est pas morte, et l’ombre de la Vierge des Commencements s’étend plus que jamais sur un monde en pleine interrogation sur son avenir.
     
    Il est évident que, dans les débuts du christianisme, le personnage de Miriâm, la mère de Jésus, n’a eu qu’une importance relative, le peu de cas qu’en font les Évangiles, celui de Luc mis à part, le prouve assez bien. Ce sont les Actes des Apôtres qui commencent à s’intéresser à elle, mais il faut y voir de toute façon l’influence personnelle de Luc, probablement ancien zélateur de la Déesse, donc sachant très bien de quoi il retournait, et désireux de revêtir d’habits « convenables » la nudité ou l’impudeur de l’antique divinité auxquels les juifs, comme les païens, s’étaient trop souvent « prostitués ». De plus, une question théologique de grande importance commençait à agiter les premiers exégètes du message : était-il concevable que celle qui avait porté Jésus, fils de Dieu, donc un être divin, dans son ventre ait pu être une femme ordinaire, avec tous les défauts prêtés à son sexe, en un mot le contenant d’un contenu parfait pouvait-il être imparfait ? La réponse était « non », même si ce « non » était assorti de spéculations diverses.
    À vrai dire, c’est dans les milieux gnostiques que cette question eut les plus grands retentissements : le problème concernant Miriâm, mère de Jésus, rencontrait inévitablement le concept de la Vierge universelle, parfois nommée Pistis Sophia , la Sagesse créatrice, qui n’était au fond qu’une forme intellectualisée de l’antique déesse mère. Et l’on assista même, dans certaines sectes gnostiques 11 , à la résurgence de cultes sexuels jugés aberrants par les Pères de l’Église, qui les ont abondamment commentés, ce qui n’était d’ailleurs guère propice à infléchir leur intransigeance à l’égard de la femme et du concept de divinité mère.
    On sait que les sectes gnostiques, qui ont fleuri dans tout l’Orient méditerranéen pendant les premiers siècles de notre ère, se proposaient d’établir un lien entre les traditions mystico-philosophiques les plus anciennes et le message christique. Ce lien se présentait parfois sous un aspect syncrétique assez incohérent, mais le plus souvent il constituait une très sérieuse tentative de synthèse approfondie. Il permettait en particulier de justifier pleinement le concept de la divinité féminine primordiale, celle que tout l’Orient vénérait sous des noms très divers, notamment dans la ville d’Éphèse, qui était, depuis la plus haute Antiquité, le

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