La grande déesse
à Marthe rapportée par Luc (10, 42) : « Miriâm a choisi la bonne part, qui ne lui sera pas enlevée. » Mais, pour le comprendre, il ne faut pas s’arrêter à l’interprétation qui veut que l’acte de Miriâm ait été un geste d’humilité ou de repentir. L’épisode est à mettre en parallèle avec le baptême de Jésus par le Précurseur : cette première onction marquait la filiation avec la religion du Dieu père, la seconde marque la filiation avec la religion de la déesse mère, et Jésus, opérant cette synthèse (cette réconciliation ?), se présente comme l’unique pivot de la vie spirituelle à venir.
Décidément, cette Madeleine est bien gênante, aussi gênante que la mère de Jésus, du moins dans l’optique de ceux qui ont récupéré le message christique dans le cadre d’une société androcratique, gérée par les hommes, et accrochée à la notion de Dieu père exclusif, qui est le seul à donner la vie, qui châtie et récompense selon son bon plaisir, et qui se conduit finalement comme n’importe quel vulgaire despote oriental. Il n’y avait rien de tel dans les paroles prêtées à Jésus, et la vie publique de celui-ci est parsemée de femmes dont l’ambiguïté ne fait aucun doute. C’est pour cette raison qu’aux premiers siècles du christianisme, les maîtres du pouvoir spirituel se sont efforcés de « laver » les textes de tout ce qui était trop « féministe » et aurait pu faire songer à une survivance de l’antique religion de la Déesse. Ainsi fut minimisé le personnage de Miriâm, la mère de Jésus, réduite à n’être plus que la « servante du Seigneur ». Ainsi fut minimisé le rôle de Miriâm de Magdala, réduite à n’être qu’une prostituée. Et pourtant, n’était-elle pas l’Initiatrice ? C’est à elle, non pas à sa mère, ni aux apôtres, que Jésus apparaît la première fois après sa résurrection. Ce ne doit pas être un hasard.
À travers ces informations fragmentaires, volontairement dispersées pour qu’une grande majorité de fidèles n’en connaissent plus le sens et la portée, il est cependant facile de reconstituer un schéma initiatique qu’on a tenté, par tous les moyens, de faire coïncider avec des événements réels dont on n’a aucune raison de refuser l’authenticité. Né d’une vierge (femme non dépendante d’un homme), elle-même incarnation de la Grande Déesse (d’où le concept d’Immaculée Conception, parfaitement logique), et du souffle du Dieu père (Élohim), principe générateur du grand tout, Jésus accomplit son destin de Christ (Messie) pour rédimer et guider l’humanité qu’il incarne en lui-même. Révélé comme le fils du Père par l’onction baptismale du Précurseur, figure hautement symbolique de l’antique religion du Dieu père (Yahveh), il est ensuite révélé en tant que fils de la Mère par l’onction de la Magdaléenne, elle-même figure emblématique de l’antique religion métroaque. Il peut alors accomplir ce qui doit être accompli , autrement dit subir l’épreuve de la mort et en triompher. Et c’est évidemment une femme, la grande prêtresse de la déesse mère, qui préside à sa renaissance : il sera désormais le Christ en gloire qui orne le portail occidental de certaines cathédrales romanes.
Or, dès le début des missions apostoliques, tout a été mis en œuvre pour passer sous silence cette double filiation – spirituelle – de Jésus, féminine et masculine. Le but était de rompre définitivement avec les religions de la déesse mère avec lesquelles le message chrétien entrait en compétition, compétition qui s’est ensuite bien souvent transformée en conflit violent et sanglant. Dans l’Empire romain, où était véhiculé l’Évangile, l’adversaire était essentiellement cette religion syncrétique de Mithra et de Cybèle que finirent par adopter – pour des buts politiques évidents – les empereurs. On ignore beaucoup trop que les « persécutions » dont a été victime l’Église naissante n’étaient pas le fait des zélateurs de Jupiter et des dieux traditionnels gréco-romains, auxquels personne ne croyait plus depuis bien longtemps, mais des fidèles de Cybèle et des hommes politiques influencés par eux. Cette lutte à mort s’est terminée, on le sait, par la victoire du christianisme. À quel prix ! Non seulement les images divines féminines avaient été anéanties, mais tout en reconnaissant aux
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