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La grande déesse

La grande déesse

Titel: La grande déesse Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean Markale
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sanctuaire le plus important de tous les cultes rendus à la déesse mère. Or, c’est à Éphèse que, selon la tradition chrétienne, l’apôtre Jean emmena la mère de Jésus pour y résider avec elle, dans une maison que l’on se fit un devoir, quelques siècles plus tard, de reconnaître comme authentique. Pourquoi pas ? Mais les coïncidences sont curieuses, surtout si l’on songe que c’est à Éphèse, en 431, que fut reconnue la notion de Theotokos attachée à Miriâm.
    Pour les divers théoriciens gnostiques, en tout cas, cette image de la déesse mère universelle, sous quelque nom qu’on l’invoquât, était capable de cristalliser toutes les pulsions de l’être humain vers la connaissance suprême. L’Esprit-Saint fut alors considéré comme le symbole de la Mère, à l’intérieur même de la Trinité. Le mot par lequel on désignait le Saint-Esprit était neutre en grec (langue dans laquelle étaient exprimées ces spéculations), mais féminin en hébreu et en araméen. Les gnostiques eurent tôt fait de remplacer le neutre grec pneuma (souffle) par le féminin sophia (sagesse), le terme s’employant d’ailleurs de façon courante aussi bien au masculin qu’au féminin. Et le terme sophia , dans la tradition gnostique, désignait nettement la composante féminine de la divinité : c’était la sagesse divine créatrice et moule primordial de tout ce qui est, le souffle essentiel par lequel tout être vivant doit passer avant d’acquérir sa forme.
    À l’origine, la gnose est d’essence grecque, avec des apports non négligeables de l’Iran et de l’Égypte. Au 1 er  siècle de notre ère, la ville hellénistique d’Alexandrie fut le grand centre des spéculations gnostiques. Or, Alexandrie fut bientôt le lieu privilégié des rencontres entre intellectuels de différents pays et le lieu d’asile des juifs de la diaspora en même temps qu’un foyer de christianisation. Les gnostiques cherchèrent à concilier leurs propres traditions avec les traditions judéo-chrétiennes, et c’est dans ce cadre qu’il faut replacer l’élaboration de la doctrine « mariale ». Il faut cependant préciser que les gnostiques ne s’exprimaient pas en termes théologiques, mais bien plutôt en termes philosophiques, accumulant pour ce faire des éléments mystiques, des fables mythologiques et des spéculations cosmologiques. Il s’agit donc d’une remarquable tentative de synthèse prétendant déboucher sur la connaissance (la gnose) de l’univers et de la divinité créatrice. Mais ce raccordement entre la pensée gréco-iranienne et la pensée judéo-chrétienne va bientôt conduire à des spéculations inattendues.
    Les gnostiques se saisirent en effet comme d’une proie de la notion de « Jérusalem céleste », image symbolisant l’humanité future complètement rédimée. Puis, par voie de comparaison, ils en vinrent à mettre en valeur l’ assemblée elle-même des participants à cette Jérusalem céleste, autrement dit l’ Ecclesia , l’Église (« assemblée » au sens étymologique). C’est Jésus lui-même qui fait allusion à cette Jérusalem céleste, et il en parle toujours en termes qui insistent sur la féminité de cette assemblée d’élus. Paul en reprend l’image et l’appellation, et il la définit comme « notre mère », ce qui explique et justifie l’expression bien connue et employée n’importe comment par la suite : « notre sainte mère l’Église ». Il ne s’agit en effet pas le moins du monde d’une Église institutionnelle avec ses hiérarchies, ses règlements et aussi ses aberrations justement discutables, mais de l’assemblée, de la collectivité, de la « communion des saints ». Et, dans toutes les traditions, cette communauté est représentée par l’image d’une femme, à la fois mère, épouse ou amante, sœur et fille. Ainsi en est-il d’Isis, de Cybèle et d’un personnage devenu romanesque comme la reine Guenièvre qui, avant de représenter sa propre individualité, reste la permanente incarnation du groupe social et quasi mystique dont elle est le centre absolu.
    On comprend alors comment ce concept d’assemblée d’élus, en quelque sorte épouse et mère du Christ, en même temps que sa fille, s’est lentement identifié au personnage concret de Miriâm, mère de Jésus, mais également mère de tous les hommes. Et si Miriâm est la mère de tous les hommes, être féminin parfaitement historique ou

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