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La grande déesse

La grande déesse

Titel: La grande déesse Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean Markale
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aux couloirs d’entrée des allées couvertes qui sont, elles, bâties au-dessus de la surface du sol. L’une de ces grottes renferme l’image célèbre de l’ idole néolithique , sculptée sur la paroi de la chambre : c’est une figuration féminine consistant en une masse épaisse dans le bas, s’affinant et s’arrondissant vers le haut ; la tête n’est que suggérée, selon la même méthode paléolithique, mais avec un relief proéminent qui ne peut être que le nez, un collier très simple supportant un objet qui doit être une pendeloque, et une paire de seins particulièrement visibles. La représentation du sexe étant totalement absente, on peut penser que le rôle essentiel prêté à cette divinité (car, vu sa localisation, ce ne peut être qu’une divinité) est celui de nourrice , le lait de ses seins étant évidemment le symbole d’un breuvage d’immortalité destiné à procurer une nouvelle vie aux défunts inhumés dans cette chambre. C’est du moins l’hypothèse que l’on peut formuler sans trop risquer de se tromper.
    L’hypogée est lui-même un symbole utérin évident : il est donc normal de trouver là la figuration de la Mère universelle. Mais l’erreur consisterait à ne la considérer que comme Terre mère, car le soin donné par les peuples du néolithique à leurs défunts, la disposition du lieu d’inhumation, la présence de cette figuration dans sa totalité, tout cela dépasse de loin le simple fait de déposer un mort dans la terre d’où il provient et où il retourne. Ce n’est pas dans la terre que le mort est placé, mais dans la matrice de la Mère universelle pour qu’il puisse renaître dans une autre vie, une fois opérée la maturation, et surtout une fois accomplie l’expulsion vers un « ailleurs ».
    Les hypogées de Coizard ne sont pas uniques. Il y en a bien d’autres, dispersés à travers toute la France, ne serait-ce qu’aux Mornouards, à Mesnil-sur-Orge (Essonne), ou encore à Fontvieille (Bouches-du-Rhône), où quatre hypogées voisinent avec un dolmen, ce qui démontre la similitude de fonction. Mais l’hypogée est la suite directe et logique de la grotte naturelle paléolithique : il est seulement un endroit davantage sacralisé parce que creusé intentionnellement et obéissant à des règles précises. Or le tertre mégalithique va encore plus loin, car il est construit au-dessus de la surface du sol et non pas au-dessous. Il faut en effet savoir que les dolmens et allées couvertes que l’on voit actuellement en plein air étaient autrefois recouverts de terre (tumulus) ou de pierres (galgal), ou encore de terre et de pierres (le cairn classique) et que ce sont les intempéries, ou les besoins des hommes en matériaux faciles à manipuler, qui les ont dépouillés de leur habillement 28 . Tous ces monuments, loin d’être frustes et grossiers, comme certains ont pu l’imaginer, étaient en réalité des structures très complexes, obéissant à des lois architecturales et à des impératifs religieux extrêmement précis 29 .
    Le tertre mégalithique est en effet la projection symbolique du ventre maternel et, à lui seul, il constitue une représentation de la Grande Déesse, surtout lorsqu’il s’agit d’une allée couverte ou de ce que les Anglo-Saxons nomment passage grave . L’entrée est toujours basse et étroite, correspondant à l’ouverture vulvaire ; le couloir, d’abord très bas, devient de plus en plus haut et débouche sur une chambre centrale, parfois « dolménique », c’est-à-dire recouverte d’une immense dalle de pierre, parfois surmontée d’une construction complexe en encorbellement. Dans cette chambre centrale étaient exposés les défunts, parfois à même la terre, parfois dans des sortes de vasques de pierre. Et, dans certains monuments, l’orientation était telle qu’elle permettait aux rayons du soleil levant du solstice d’hiver de pénétrer à l’intérieur et d’illuminer véritablement la chambre funéraire centrale. Il va sans dire que cela n’était pas dû au hasard, mais savamment calculé pour permettre à la lumière solaire de régénérer symboliquement les morts, de les projeter dans une autre vie par le biais d’un authentique regressus ad uterum , ce que rapportent de nombreuses légendes ou traditions, notamment en Irlande où ce genre de monuments est très fréquent.
    C’est le cas du célèbre cairn de Newgrange, en Irlande, dans la vallée de la

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