La grande déesse
Déesse des Commencements.
La représentation de cette déesse peut être simplifiée à l’extrême : dans le cairn de Barnenez en Plouézoc’h (Finistère), l’un des plus anciens monuments de ce genre que l’on connaisse, elle apparaît sous la forme d’un triangle. Mais ce triangle se trouve sur une barque schématisée, signifiant vraisemblablement la navigation nocturne du soleil dans l’autre monde. Ce motif de la déesse sur la barque réapparaît à Locmariaquer (Morbihan) dans le cairn de Kerverès et dans celui du Mané-Lud. Mais au Petit-Mont en Arzon (Morbihan), il est encore plus caractéristique, car la Déesse reprend alors la forme de l’idole en écusson. Quant au cairn de l’Île-Longue, dans le golfe du Morbihan, il contient plusieurs figurations en forme conique entourées de chevelures qu’on peut identifier comme les rayons du soleil. On a parfois vu dans cette représentation la « transe chamanique », ce qui ne semble guère correspondre au contexte : le caractère solaire de cette divinité est incontestable, et d’ailleurs, au Petit-Mont, à côté d’une figuration complexe et étrange de l’idole reconnaissable par ses trois colliers, on peut voir une roue solaire parfaitement nette. On mettra en parallèle cette représentation « éclatée » avec la grande dalle en forme d’écusson qui orne le fond de la chambre de la célèbre Table des Marchands, à Locmariaquer, laquelle, parmi des crosses (qui sont peut-être des épis de blé stylisés), comporte en son centre un soleil bien repérable.
Le Mané-Lud, sur ses différents supports gravés, propose une grande variété d’images où la Déesse semble en quelque sorte « démultipliée » selon des caractéristiques que l’on a voulu mettre en évidence. En dehors de l’idole en forme d’écusson, il y a en effet des « signes en U » traités très diversement, qui peuvent représenter soit le corps stylisé, soit le collier, soit une coiffure cornue, soit la marque de la poitrine, soit le ventre maternel, cette coupe qui contient les « eaux mères » et dans laquelle doivent se replonger toutes les créatures avant de renaître dans une autre vie. Au premier abord, ces pétroglyphes paraissent chaotiques, désordonnés, frustes, mais, à l’analyse, on s’aperçoit que le moindre signe a son importance et s’insère dans un cadre beaucoup plus vaste. Il s’agit incontestablement d’un langage artistique destiné à transmettre un message religieux dont, malheureusement, on ne connaît pas le code d’accès.
C’est cependant, toujours à Locmariaquer, le cairn des Pierres-Plates qui apparaît comme le grand sanctuaire dédié à la Déesse néolithique. Il s’agit d’une allée couverte coudée dont le revêtement tumulaire a disparu : au cours des siècles, et dont plusieurs supports comportent d’intéressantes gravures. Sur l’un de ces supports, on peut en effet distinguer la forme classique de l’idole en écusson, très carrée, avec le renflement qui marque la tête. À l’intérieur du corps, une courbe sinueuse surmonte deux seins, rappelant le thème du serpent. En bas, vers la gauche, un cercle, plus petit que les seins, figure peut-être le nombril, tandis qu’à droite, un rectangle allongé verticalement contient un double cercle concentrique : il s’agit visiblement d’une représentation utérine. En dehors du corps, au-dessous à droite, un autre rectangle vertical renferme une hache stylisée, symbole de puissance. Le reste du support est occupé par quatre variantes de l’idole : en haut, un simple « signe en U », qui doit être une coupe, puis plus bas, une forme en écusson où la tête est figurée non plus par un renflement, mais par une échancrure ; en dessous encore, l’échancrure est davantage prononcée ; en bas, enfin, l’idole à la tête en échancrure est doublée intérieurement, évoquant irrésistiblement le thème de la parturition.
Mais les autres dalles de ces mêmes Pierres-Plates nous présentent la Déesse néolithique dans toute sa splendeur : on serait tenté d’y voir une préfiguration de ces étonnantes Vierges en majesté du Moyen Âge. Ici, la Déesse est en effet triomphante, car elle assure le triomphe sur la mort. Elle est présentée dans une tenue d’apparat, ce qui nous vaut parfois la dénomination d’« idole chasuble ». On peut en effet considérer que le corps, dont la tête est marquée par une
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