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La grande vadrouille

La grande vadrouille

Titel: La grande vadrouille Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Georges TABET , André TABET
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tout le monde, dit Juliette souriante : par le train.
    Millian exhiba un indicateur 1942 qui avait maigri en comparaison du gros modèle 1939.
    Il le feuilleta :
    — 8 h 06 demain matin, gare de Lyon, annonça-t-il. C’est le seul train de la journée. D’ailleurs Juliette ira avec vous…
    — Je suis très contente, dit-elle. De toute façon, je devais partir, mais avec vous tous, ce sera plus amusant.
    Elle était éprise d’action, et ne se rendait pas très bien compte du danger.
    —  Thank you ! remercia Reginald. Mais avant la gare de Lyon c’est la station Opéra.
    Il fixait Augustin qui avait espéré contre toute attente que ce sujet redoutable ne serait pas venu sur le tapis.
    — Avant Gare de Lyon c’est Bastille, rectifia-t-il, feignant de croire qu’il s’agissait de stations de métro.
    — Je dois aller chercher Mac Intosh à l’Opéra, expliqua Reginald.
    — Á l’Opéra ! s’exclama Millian, c’est plutôt dangereux. Et surtout, j’ai lu dans le journal que ce soir c’était un spectacle « La Damnation de Faust » réservé à ces messieurs… (Il se gardait bien de prononcer le nom des occupants, pour ne pas leur faire honneur.)
    Juliette lança d’une voix pressante, comme si cela tombait sous le sens :
    — Bien sûr, Augustin ira avec M. Reginald…
    — Bien sûr, répéta le peintre, d’une voix étranglée qu’il s’efforçait de rendre naturelle.
    Le Squadron-Leader sentit qu’il avait le devoir de le rassurer :
    — Ce sera vite fait, Augustin ! Nous… dedans… les coulisses… vite entrer !… Sortir ! Revenir ! Partir ! Right ?
    — Right ! articula avec peine Augustin sur le point de défaillir.

    *
    * *

    Avec ses colonnades en marbres polychromes, rangées comme des choristes fardées, avec l’incendie de ses lustres irradiant le ballet des phosphorescentes mosaïques, le Grand Escalier de l’Opéra constitue, dès l’entrée, un premier et somptueux spectacle.
    Le style Second Empire, on le sait, est un fourre-tout où voisinent le Louis XV et le Gothique, le Louis XVI et le Roman, le Corinthien et l’Indou Chaloukya. Mais, magistralement employé et servi par Garnier, on doit reconnaître ses fabuleux attraits. L’Académie Nationale de Musique est une grandiose et géniale pâtisserie. Son emphase, ses enflures, ses redondances prétentieuses en font un cadre idéal pour les œuvres lyriques du XIX e siècle qui ont été également conçues avec les mêmes défauts excessifs et magnificents.
    Des officiers allemands chamarrés arrivaient par petits groupes. Refusant de se laisser écraser par le faste impérial de l’endroit, ils bombaient le torse et faisaient sonner leurs talons en claquements qui se répercutaient loin sous les voûtes de l’opulent vestibule. Leurs aïeux n’avaient-ils pas vaincu l’insolent potentat à la gloire duquel avait été édifié ce haut-lieu de la musique ?
    Des femmes exhibaient les derniers modèles de la haute couture germanique : des drapés, des plissés, des bouillonnés, des lisérés, des ruchés qui semblaient procéder bien plus de la façon du tapissier que de l’art de la couturière.
    Pour symboliser la richesse cossue de l’élégance du III e Reich, les étoffes semblaient avoir été choisies aux rayons des tissus d’ameublement. On ne voyait que damassés, brocarts, et velours frappés qui, il faut bien l’avouer, habillaient idéalement des Brunehilde taillées en armoires à glace.
    Qui aurait pu jamais prévoir, en ces temps heureusement révolus, que ces dragons auraient enfanté de mignonnes poupées qui aujourd’hui, en mini-jupes, font l’admiration du monde occidental par leur ligne et leur grâce sportive ? Finies les Walkyries ! Place aux adorables et fraîches Germano-Américaines !
    Augustin et Reginald, sanglés dans leurs uniformes feldgrau, la poitrine barrée de décorations, pénétrèrent à 20 heures précises dans le grand hall. Ils furent d’abord accueillis par les statues des grands musiciens Rameau, Gluck, Lulli encore tout surpris de se voir cernés par les armées d’outre-Rhin. Quelle fausse note avait mérité pareille punition ?
    Le peintre et l’Anglais se rendirent d’abord au guichet, pour prendre des billets. Mais, on les informa que la soirée était offerte gratuitement et que les officiers seraient admis sur simple présentation de leur uniforme.
    Sur ce point-là, au moins, ils étaient en règle. Augustin peu à

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