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La grande vadrouille

La grande vadrouille

Titel: La grande vadrouille Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Georges TABET , André TABET
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gâcher ma soirée, pleurnichait-il… Et aussi la vôtre !…
    —  Nein ! Vous dirigez gala ce soir pour notre Obergruppenführer ! Mais sous la garde des soldats avec mitraillettes. Vous êtes mon prisonnier !
    Deux militaires en armes pénétrèrent hiératiquement dans la loge du grand chef d’orchestre qui crut entendre, en les voyant, la « Marche du peloton d’exécution » du dernier acte de La Tosca.

XVII
    Dans les jardins des Champs-Elysées, les enfants s’amusaient comme aux plus beaux jours insouciants de la drôle de guerre. Malgré l’occupation, les petits ânes sous-alimentés remplissaient leurs rôles d’amuseurs avec un héroïsme placide. Ils avaient dû sans doute se donner le mot afin que les soldats en vert-de-gris ne puissent pas soupçonner chez ces quadrupèdes parisiens un moral défaillant.
    C’est plutôt sous l’uniforme de l’occupant qu’on pouvait remarquer un être inquiet, apeuré, avançant sur le gravier comme sur des œufs. Déguisé en général allemand, Augustin avait l’air égaré. Á son côté, le Squadron-Leader en officier supérieur à Croix de Fer, trouvait l’aventure plaisante, en dépit des dangers mortels qu’elle comportait.
    — Et si un flic nous demandait nos papiers ? dit Augustin, épouvanté à cette idée.
    — Taisez-vous ! Augustine ! lui ordonna Reginald. Cela n’arrivera pas. Les agents de police français n’oseraient pas. Le cas n’est pas prévu dans la convention d’armistice. Les officiers allemands ne peuvent être inquiétés.
    — C’est que justement, larmoya Augustin, on n’est pas officier allemand !
    Á ce moment, tête baissée un petit garçon vint se cogner à lui par mégarde, tout en jouant.
    — Fais gaffe, mon bonhomme ! laissa échapper Augustin en français de Montmartre.
    Le gosse s’arrêta net, tout surpris, d’entendre un Allemand parler avec un tel accent faubourien.
    Les yeux effarés, il s’éloigna à reculons.
    — Attention ! conseilla Reginald tout bas au peintre. Et très haut il feignit d’éclater de rire en s’exclamant :
    —  Ia ! Ia ! Ia ! croyant authentifier ainsi son uniforme et celui d’Augustin.
    Il dépassa la mesure. Son rire était trop sonore et tout un monde de nourrices et de bonnes d’enfants leva la tête sous le frileux soleil printanier. Ces dames, rebelles à la cohésion, s’unirent pour les observer en silence, avec des expressions réprobatrices qui voulaient dire : « Ont-ils eu des succès nouveaux en Russie, qu’ils sont si gais ? »
    — Voler des uniformes ! maugréait Augustin. Il y a de quoi se faire fusiller à l’aube dans les fossés du château de Vincennes.
    Il se voyait déjà sous les traits du duc d’Enghien.
    —  Sorry, Augustine ! murmura Reginald. Mais on ne pouvait faire autrement. Excusez-moi de vous faire prendre autant de risques.
    Augustin était désespéré d’avoir été aussi sottement entraîné dans cette dangereuse équipée.
    — Ah là là ! Si j’avais encore un chez moi, j’irais me changer et puis good bye ! ressassait-il.
    —  Ia ! Ia ! s’esclaffa encore Reginald, en lui donnant un coup de coude, car ils croisaient des sous-officiers de la Police Militaire allemande.
    Cette version en vert-de-gris de la Military Police salua les deux supérieurs avec respect, d’un geste saccadé.
    Reginald négligea de répondre au salut, afin de faire plus Junker, orgueilleux et méprisant.
    C’est ainsi qu’ils arrivèrent au Théâtre Guignol où la jolie Juliette avait donné rendez-vous à Augustin. Elle espérait bien qu’il ramènerait le Squadron-Leader.
    La séance n’était pas encore terminée et les deux déguisés se glissèrent prudemment au dernier rang des bancs où les enfants étaient installés.
    Sur la petite scène se déroulait l’éternelle comédie du plus faible, Guignol, rossant le plus fort, le Gendarme. Ce spectacle provoquait les cris et bravos des gosses.
    Augustin qui avait une âme puérile fut aussitôt pris par l’action. Il s’amusait et, quand il y avait du suspense, il retenait son souffle. Il s’agitait tant qu’une petite fille, aux yeux de porcelaine bleue, assise près de lui, lui assena un coup de pied agacé dans les jambes.
    Augustin sursauta et oubliant son uniforme dit à la blonde enfant avec douceur :
    — Qu’est-ce t’as ?
    Cela sonna comme : KESTAH ?
    La petite fille le regarda en concentrant dans ses yeux ce qu’elle pouvait avoir de

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