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La guerre de l'opium

La guerre de l'opium

Titel: La guerre de l'opium Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jose Frèches
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Cet objet m’a été cédé par un des meilleurs clients de mon père. Devenu opiomane, il est mort dans la rue, comme un clochard, ruiné après avoir dilapidé tous ses biens et laissé sa famille sur le carreau. Du temps de sa splendeur, il possédait plusieurs pâtés de maisons non loin de la Rivière des Perles ainsi que deux jonques de transport de marchandises.
    —  Si les Han gouvernaient leur nation, elle ne serait pas soumise au bon vouloir des Anglais comme c’est le cas aujourd’hui… murmura Tang dont la main caressait une fort belle armoire laquée d’époque Ming.
    —  Je pense comme toi   ! Tous les jours, je forme des vœux pour qu’une dynastie nationale remplace celle de ces maudits envahisseurs.
    —  Ce jour-là, les nez longs n’auront qu’à bien se tenir   !
    —  Surtout ces diables d’Anglais   ! Qu’attend-on pour les faire déguerpir   ? Je me suis toujours demandé d’où venait la force de cette nation dont le territoire n’est pas plus étendu que l’île de Taiwan   !
    —  L’Angleterre a les canons, l’argent. Les Anglais sont impudents et ont un culot monstre. Quand on ne respecte rien, ce ne sont pas les scrupules qui vous étouffent… Dans leur genre, ils sont terriblement barbares   ! Plus barbares encore que les Mandchous   ! Mais les nez longs ont les pieds posés sur terre, ils ne sont pas prisonniers des rituels, déclara le prince. Le Fils du Ciel vit caché dans la Cité Pourpre, coupé de la réalité. Et je crains qu’il n’y ait plus personne pour la lui expliquer. Trop de gens ont intérêt à ce qu’il ne sache rien… Le roi est nu comme un ver, mais il est le seul à ne pas le savoir… Il ne…
    Tang avait interrompu sa phrase. Au diable le Fils du Ciel. Après tout, peu importait que Daoguang soit isolé de son peuple.
    —  Tu voulais dire   ? lui demanda son cousin.
    —  Je ne sais plus… soupira Tang qui regardait à présent Jasmin Éthéré.
    Éblouissante et concentrée, la jeune femme examinait des bols à décor secret de la dynastie des Song. Elle était aussi raffinée, délicate et fragile que ces céramiques laiteuses, de provenance impériale, fines comme une coquille d’œuf, dont le décor de fleurs et de rinceaux ne se livre au regard que si on les éclaire sous un certain angle. Les plus belles furent collectionnées par les premiers empereurs Ming qui étaient capables de les payer le quintuple de leur poids en or   !
    À n’en pas douter, Jasmin Éthéré touchait là une céramique d’illustrissime provenance dont il était miraculeux qu’elle eût atterri là, entière   !
    Quand les dynasties changent, les petites mains se servent… Les trésors se dispersent au gré des errances de leurs pillards. Ce qui est beau est convoité. Ce qui est beau peut être pris… Ce qui est beau est toujours très éphémère et fragile…
    Qu’adviendrait-il, à ce propos, de Jasmin Éthéré elle-même   ? Ne connaîtrait-elle pas le sort de la céramique précieuse sur laquelle elle était penchée   ?
    Tang, pour qui l’idée de perdre sa moitié était insupportable, se mit à frissonner. Il respira un grand coup et, pour se persuader qu’elle n’était pas un rêve, qu’elle était bien là, réelle et palpable, il s’approcha d’elle et lui frôla l’épaule.
    —  Qu’y a-t-il   ? lui demanda-t-elle, légèrement surprise.
    —  Rien… Tout va bien… fit-il dans un souffle, la voix teintée d’angoisse, en pleine montée d’adrénaline.
    Il était en train de prendre conscience qu’il ne pourrait pas vivre sans elle.

 
    10
     
    Shanghai, 12 juillet 1846
     
    La terre apparut enfin aux yeux du passager, telle une mince couche brunâtre déposée là par le pinceau d’un artiste facétieux, destinée à égayer l’à-plat verdâtre à peine agité par les remous et les tourbillons de surface que provoquait la rencontre des eaux de la mer de Chine avec celles du fleuve Bleu, dont c’était l’embouchure.
    Enfin la Chine   ! se dit, in petto , l’homme jeune et bien fait de sa personne, dont tous les sens étaient en éveil.
    À ce stade, pourtant, rien ne différenciait les côtes chinoises de celles de Ceylan ou de l’Indonésie.
    L’homme en question était accoudé au bastingage du Cristina , un vieux quatre-mâts effectuant la navette entre Hongkong et Shanghai dont la coque dégoulinante de traces de rouille témoignait de la carrière déjà longue. Ce pauvre navire était

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