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La guerre de l'opium

La guerre de l'opium

Titel: La guerre de l'opium Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jose Frèches
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la main de l’homme tellement celui-ci s’est acharné à en gommer toute trace.
    Le palais d’Été de Pékin était aux empereurs de Chine ce que Versailles était au roi de France et même un peu plus… car sans Louis XIV, le Roi-Soleil français qui entretenait avec l’empereur Kangxi des rapports complexes où la courtoisie le disputait à la rivalité, le Jardin de la Clarté céleste n’eût jamais été construit.
    Aux XVIIe et XVIIIe siècles, les « Trois Grands Empereurs B   » avaient voulu surpasser Versailles en faisant bâtir cette quarantaine de somptueux pavillons reliés entre eux par des galeries couvertes où le Fils du Ciel recevait volontiers, pour mieux les épater, les multiples délégations étrangères qui se pressaient aux portes de Pékin.
    Le coffret que John venait d’acquérir avait donc été sauvé du pillage des troupes. La valeur de cette boîte en argent tenait au fait qu’elle avait appartenu à l’empereur Daoguang en personne, ainsi qu’en attestaient les six caractères archaïques formant sa marque impériale gravés au beau milieu de son élégant couvercle. Avant de s’en porter acquéreur, John, qui l’avait repérée dès le premier jour de l’exposition, avait pu la soupeser mais non l’ouvrir. Le sous-officier qui faisait fonction de commissaire-priseur lui avait précisé que la clé de sa serrure ne serait donnée qu’à son acheteur. À juste titre, s’était félicité Bowles. Les hommes de troupe auxquels avait été confisqué ce coffret avaient déjà tellement pillé et volé qu’ils n’auraient pas hésité à faire main basse sur son précieux contenu   !
    Et ce dont John était sûr, c’était que le coffret n’était pas vide. En le secouant doucement, il avait même entendu un léger bruit à l’intérieur. Un cliquetis. Une musique qui lui avait fait doux au cœur : avec un peu de chance, les sceaux personnels de Daoguang s’y trouvaient encore, auquel cas ce serait le jackpot assuré…
    Alors, comme tous les acheteurs qui ont remporté une enchère de haute lutte, Bowles éprouva la joie intense, indicible et presque inavouable, comparable en tous points à l’exaltation jubilatoire du chasseur dont le limier ramène le gibier dans sa gueule.
    D’un air anxieux, il regarda l’objet circuler de main en main et poussa un soupir d’aise lorsque celui-ci arriva à bon port, c’est-à- dire sur ses genoux. Il rattrapa au vol la clé que le sous-officier lui lançait et s’empressa d’ouvrir le coffret.
    Eurêka   ! Ils étaient bien là   !
    Tels des œufs dans leur nid, les quatre sceaux de jade étaient sagement disposés dans leurs alvéoles gainées de soie.
    Comme il était d’usage, il y en avait deux ronds et deux carrés, un grand et un moyen de chaque. Le cœur battant, il vérifia que tous portaient bien les six caractères de la marque de règne de Daoguang et faillit crier de joie lorsqu’il en eut la confirmation, mais c’eût été inconvenant dans ces lieux sacrés réquisitionnés par le corps expéditionnaire britannique où les lamas tibétains, aussi impénétrables que des statues de pierres tombales, continuaient à rendre leur culte au Bouddha…
    Il se contenta donc de fermer les yeux et de remercier le destin.
    Puis il s’éclipsa et passa discrètement derrière un autel consacré à Guanyin, la bodhisattva compatissante et secourable qui sert d’intermédiaire entre les humains et les êtres désormais hors de leur portée parce qu’ils ont, comme Bouddha lui-même, atteint le stade de l’illumination.
    L’heure de vérité était arrivée.
    Le cœur battant, il étala sur le sol un feuillet calligraphié, prit dans le coffret le plus petit sceau de section ronde et vérifia qu’il coïncidait parfaitement avec la marque imprimée au bas du texte.
    La boucle était enfin bouclée   !
    En s’appropriant ce précieux coffret pas plus grand qu’une vulgaire boîte à chaussures où le Fils du Ciel rangeait les tampons qui lui servaient de signature, John Bowles engrangeait la preuve ultime, irréfutable de la véracité de l’extraordinaire histoire sur laquelle il avait enquêté pendant des années.
    Jusque-là, il en avait l’alpha. Il en possédait à présent l’oméga.
    Apaisé comme le tigre enfin repu par un festin carnassier et sanguinaire, Bowles regagna sa chaise en tapinois, satisfait du devoir accompli.
    Dès qu’il le pourrait, il lancerait sa bombe. Au cours de sa

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