La Guerre Des Amoureuses
l’habileté du duc de Guise, soutenaient qu’il
fallait qu’ils viennent par le Bourbonnais et le Poitou en côtoyant la Loire. Montmorency
et Châtillon – le fils de l’amiral de Coligny – opinaient, eux, pour les
engager en Languedoc et le long du Rhône.
Finalement, le choix fut pris de les faire
entrer dans la Beauce d’où ils rejoindraient l’armée protestante sur la Loire.
Le roi de Navarre, se voyant délivré de la
crainte de renforts du duc de Guise à son frère Mayenne, mena ses troupes
attaquer Chizay, puis Sanzay. Renforcé de deux cents chevaux et de quinze cents
hommes que lui amena le comte François de La Rochefoucauld, colonel général de
son infanterie, il prit Fontenay, seconde place du Poitou, puis Mauléon. Tenant
ainsi presque toute la province, il descendit vers Poitiers à la tête d’une
petite compagnie de deux cents valeureux gentilshommes pour un coup de main d’une
rare audace.
Les trois hommes
chevauchaient depuis cinq heures. Le temps était si couvert qu’on avait l’impression
que la nuit allait tomber, alors que midi était à peine passé. Dans la ferme où
on les avait accueillis pour la nuit, et qu’ils avaient quittée à l’aube, on
leur avait indiqué la route et assuré qu’elle était sûre jusqu’à Angoulême. De
là, ils n’auraient qu’à demander le chemin de Périgueux.
De plus en plus souvent, Nicolas Poulain se
demandait s’ils étaient dans la bonne direction. Ils auraient dû tourner à un
calvaire, leur avait-on dit, mais ils n’avaient pas vu de calvaire. Le chemin
se mit à monter le long d’un petit bois et ils mirent leurs montures au trot
pour ne pas les fatiguer. En arrivant au sommet de la butte, où se dressait un
pigeonnier, ils découvrirent un détachement qui faisait reposer ses chevaux. Il
y avait là une vingtaine d’hommes, tous casqués et cuirassés, pour la plupart
revêtus de belles casaques rouges brodées et semées de croix blanches. Les
drapeaux en taffetas de toutes les lances et enseignes des guidons portaient
des croix de Lorraine : ils étaient tombés sur un détachement de
catholiques qui partaient en guerre.
Le temps que Poulain ordonne à Olivier et à
Lorenzino de faire demi-tour, un coup de mousquet avait atteint son cheval au
poitrail. Il chuta et roula au sol.
Quand il se releva, les hommes d’armes étaient
sur eux, épées et piques hautes.
Un jeune gentilhomme au visage avenant et aux
yeux pétillants, écharpe rouge à croix blanches autour du cou, s’approcha de
Nicolas, une épée à la main.
— Catholique ?
— Oui, monsieur, répondit Poulain, sans
hésiter.
— Pas de chance, vous avez perdu ! grimaça
le gentilhomme avec un sourire attristé.
Il se tourna vers un autre homme, d’une
vingtaine d’années, qui approchait à son tour.
— On vient de capturer trois espions, monsieur
le Comte. Je les fais pendre à ce chêne ?
— Attendez un peu, monsieur de Dangeau, vous
êtes toujours trop pressé ! Il serait préférable qu’on les emmène à monseigneur.
Il souhaitera certainement les interroger et nous pourrons toujours les pendre
après.
— Comme vous voulez, monsieur le Comte, laissez-moi
juste le temps de les faire garrotter.
Olivier et Venetianelli furent jetés au sol et
deux soldats leur serrèrent une corde aux poignets. Un autre fit de même à
Poulain.
On leur avait bien sûr ôté leurs armes et le
nommé Dangeau s’était approprié leurs chevaux. Ils furent mis en laisse
derrière trois chevaux montés par des soldats et la troupe se remit en marche.
Ils étaient trop éloignés l’un de l’autre pour
pouvoir parler. Poulain avait perdu espoir. Qui étaient ces guisards à la croix
de Lorraine pour traiter si mal des catholiques ? Par malheur, ils avaient
dû tomber sur une compagnie franche qui conduisait une guerre privée. Il ne
donnait pas cher de leur sort, après ce qu’ils avaient déjà vu. Pourtant, on
leur avait assuré le matin qu’il n’y avait pas de danger… ils avaient dû se
tromper de route. Mais tout cela n’avait plus guère d’importance. Les larmes
aux yeux, il songea à sa femme et à ses enfants et se mit à prier pour eux. Il
demanda aussi à Dieu une mort rapide, songeant en frissonnant aux fricassées d’oreilles
et aux tortures que les guisards aimaient infliger.
Olivier avait tout autant peur bien qu’il fût
persuadé qu’il avait affaire à des protestants déguisés. Pourtant ils n’étaient
que des
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