La Guerre Des Amoureuses
une indemnité de mille florins. J’étais
donc d’accord pour retourner en Italie, dit Francesco Andreini, qui avait
entendu.
— Nous avons quitté Loches après une
dernière représentation, précisa Flavio.
— La reine vous a laissés partir ? s’étonna
Olivier.
— Nous ne lui avions pas demandé, sourit
Flavio. Nous étions en fin de cortège quand la Cour a pris le chemin du
Grand-Pressigny. Nous avons prétexté une roue cassée pour rester en arrière, puis
nous avons pris une autre route. Nous avons traversé la Creuse à un endroit
nommé La Guerche.
Ils avaient à peu près suivi leur itinéraire, se
dit Poulain, mais ils avaient dû avancer bien plus lentement qu’eux, avec leurs
lourds chariots tirés par des mules.
— Vous n’avez pas fait de mauvaises
rencontres ? demanda-t-il.
— Nous avons l’habitude ! répondit
Flavio avec insouciance. Les brigands savent que les comédiens sont pauvres et
ne s’attaquent pas à eux. Et comme lors de notre dernier voyage en France, nous
avions été pris en otages par des protestants, cette fois-ci nous avions pris
nos précautions : j’avais quatre mousquets et quelques arquebuses à main, ainsi
que des épées qui n’étaient pas en bois, croyez-moi !
» Ma seule crainte était que la reine
nous retrouve. Nous n’empruntions donc que des chemins écartés.
Arrivés ici, nous avons donné deux spectacles
devant le château et nous aurions pu rester plus longtemps, mais dès que nous avons
appris que la Cour venait à Cognac, nous avons décidé de partir.
À l’auberge, Il Magnifichino fut fêté
comme un fils prodigue par le reste de la troupe, chacun l’embrassant et l’accolant
sans retenue. Il déclina une invitation de rester avec eux car, expliqua-t-il, il
se rendait en Espagne. Dès lors, il inventa une invraisemblable histoire, si
longue et si compliquée qu’au bout d’un moment plus personne ne l’écouta.
Laissant Venetianelli avec ses amis, Olivier
et Nicolas se rendirent dans la chambre des Andreini. Ils y trouvèrent Isabella
assise sur un lit à piliers, amaigrie, les traits tirés et l’air malheureux. Elle
parut stupéfaite en les voyant entrer, puis son visage s’éclaira d’une sorte de
soulagement.
— Monsieur le Prévôt, et vous, monsieur Hauteville,
vous ne pouvez savoir le bonheur que me procure votre visite, fit-elle après qu’ils
l’eussent saluée. Que faites-vous ici ?
— Nous sommes toujours à la poursuite de Mme de Montpensier,
madame, dit Olivier avec tristesse. Après avoir retrouvé sa trace près de
Périgueux, nous l’avons à nouveau perdue. Nous savons cependant qu’elle est
venue à Angoulême…
Il ajouta, en ayant du mal à retenir un
sanglot :
— … Elle a enlevé mademoiselle Cassandre
de Mornay.
— Plus grave encore, madame, nous pensons
qu’elle prépare un attentat contre le roi de Navarre, ajouta Nicolas Poulain. Flavio
nous a dit que vous pourriez peut-être nous aider.
— Peut-être, reconnut Isabella dans un
sourire sans joie. Asseyez-vous près de moi, je vais vous dire ce que je sais, ou
plus exactement ce que j’ai découvert, avec Flavio et mon mari.
En parlant, elle baissait les yeux, évitant de
croiser le regard d’Olivier qui fut surpris de cette attitude réservée, si
différente de celle qu’elle avait eue à Loches.
— Nous avons quitté la Cour sans prévenir
la reine, deux jours après votre départ, poursuivit-elle. Nous étions dans
cette auberge depuis une journée quand est arrivée une troupe d’hommes d’armes.
Elle était commandée par le capitaine Cabasset que j’avais vu à Chenonceaux
avec la duchesse. J’ai demandé à mes compagnons de se renseigner discrètement ;
il s’agissait bien de l’escorte de Mme de Montpensier. La duchesse
était logée chez M. Sibert Tison d’Argence, le gouverneur de l’Angoumois. Un
soir, un des soldats que Flavio avait fait boire avoua qu’ils avaient une
prisonnière, enfermée chez M. d’Argence. La duchesse avait dit au
gouverneur que c’était une domestique qui devait être châtiée pour vol.
— Cassandre ! murmura Olivier.
— Il y a deux jours, toute la troupe est
partie. Mon mari les a suivis. Ils se sont arrêtés devant la maison de M. d’Argence
où un coche attendait, puis ils sont sortis par la porte Saint-Pierre.
— Cette porte est au nord ! Ils n’iraient
donc pas vers Jarnac ou Cognac ? s’étonna Poulain.
— Cela n’a pas
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