La Guerre Des Amoureuses
Garde-Épée et ils avançaient
avec prudence, car si les capitaines de la duchesse étaient vigilants, ils
feraient certainement des patrouilles. En bas du sentier, ils découvrirent une
église et les ruines de bâtiments conventuels.
Ils étaient maintenant au nord de Garde-Épée.
— Mme Andreini nous a parlé d’un
prieur à qui Ludovic aurait dû demander les actes de la possession de son fief.
Et si c’était là qu’il aurait dû venir ? Il y avait ici une abbaye qui a
été pillée. Cela expliquerait qu’il n’ait rien obtenu et qu’il soit passé au
service de la reine, suggéra Olivier.
— C’est bien possible.
Ils s’approchèrent des ruines du couvent. Toutes
les constructions avaient été incendiées, sauf l’église romane dont les portes
étaient brisées. Les colonnes du cloître gisaient à terre et les bâtiments
conventuels n’étaient que décombres noircis. À l’autre bout de la cour centrale,
dans l’angle opposé à l’église, ne restait debout qu’une bâtisse à la toiture
incendiée construite sur un solide soubassement faisant sans doute salle basse.
On distinguait, enchevêtré dans des poutres et des pierres écroulées, un gros
cul-de-four arrondi englobé dans la maçonnerie du dernier mur encore debout. Ce
devait être le four du couvent, qui servait peut-être aussi de séchoir à
châtaignes ou à fruits ; probablement le plus vieux bâtiment des lieux.
Le porche de la salle basse était fermé par
une double porte vermoulue.
— Il n’y a rien à découvrir ici ! décida
Poulain après qu’ils eussent fait le tour des ruines. Mais nous pourrions
laisser nos chevaux dans la salle de ce four et nous rendre à pied à Garde-Épée.
En s’approchant, ils entendirent hennir. Aussitôt,
ils s’arrêtèrent et Poulain fit signe à ses compagnons de s’écarter du porche.
— Ça vient de là, dit-il à mi-voix en
montrant le four. Il y a quelqu’un, peut-être plusieurs personnes. Mettez-vous à
l’abri, ce ne peut être que des brigands.
Ils firent avancer leurs chevaux près du mur d’enceinte
qui longeait l’ancien cloître. Nicolas Poulain sauta au sol, épée et arquebuse
à rouet à la main. Les deux autres l’imitèrent et Venetianelli attacha les longes
à une poutre noircie.
Ils progressèrent prudemment et
silencieusement jusqu’au four. Poulain poussa doucement l’un des battants du
porche, qui n’était pas verrouillé, et jeta un regard dans la salle. C’était
trop sombre pour y voir, mais il sentit l’odeur d’écurie.
Il attendit un moment avant de pousser les
battants. C’était une salle voûtée en gros appareil qui devait remonter aux
guerres anglaises. Accolé au mur, il distingua un puits au fond, avec une
ouverture par-devant pour tirer l’eau et une corde attachée à un anneau de fer.
À côté se trouvait une paillasse de foin avec quelques hardes posées dessus. À
l’autre extrémité de la salle, un cheval bai était attaché à un anneau. On
avait dressé une cheminée en pierres sèches contre un trou dans le mur. Autour,
sur des pierres et des souches, étaient étalés un chaudron en fonte, quelques
instruments de cuisine, des fagots, une boîte à sel, des flacons et des pots en
grès. D’autres souches servaient de tabourets ou de table.
Ils entrèrent avec précaution. Poulain s’approcha
du puits et regarda au fond sans rien y voir. Il ramassa une pierre et la jeta ;
un plouf retentit. Il tira sur la corde, qui n’avait pas de seau au bout. En
face du puits, un escalier de pierre grimpait vers l’étage, mais il était bouché
par un éboulement de poutres tombées de la toiture. L’escalier conduisait au
four, se dit-il. Ici, on devait entreposer la farine et des fruits, et venir
chercher l’eau pour faire la pâte. Il fit le tour de la salle, cherchant
vainement une autre sortie. Pendant ce temps, Il Magnifichino examinait
les quelques hardes sur la paillasse et Olivier s’intéressait au contenu des
flacons et des pots.
L’Italien s’approcha de Poulain, lui tendant
un bonnet noir qu’il avait trouvé.
— Je connais ce bonnet, lui dit-il à voix
basse.
Poulain hocha la tête, puis mit un doigt sur
sa bouche et leur fit signe de sortir.
Dehors, il leur proposa d’aller jusqu’aux
chevaux.
— C’est le bonnet de Ludovic Armani, dit
à voix basse Il Magnifichino .
— Ça explique bien des choses. Il a dû
venir ici se cacher de la vengeance des Gelosi, suggéra
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