La Guerre Des Amoureuses
m’accepte.
— En effet, reconnut M. de Mornay,
qui craignait avec juste raison que sa fille ne tue la sœur du duc de Guise.
Cassandre parut hésiter, avant d’accepter d’un
mouvement de tête.
— Battons-nous donc ! Prenez l’épée
de mon père, monsieur de Saveuse.
Le gentilhomme saisit l’arme et se tourna vers
la duchesse, avec un léger sourire. Il était bon escrimeur et pouvait inverser
la situation en blessant cette démente.
— Madame, puis-je être votre champion ?
— Merci, monsieur de Saveuse… je saurai m’en
souvenir, balbutia la duchesse.
— Je serai juge d’armes, décida Mornay. Avant
toute chose, y a-t-il matière à arrangement ? Mme la Duchesse
pourrait s’excuser… proposa-t-il en s’adressant à sa fille.
— Non, monsieur, aucun arrangement n’est
possible, répondit Cassandre fermement.
— Gente dame et gentilhomme, jurez de
vous battre en gens d’honneur. J’ai octroyé le champ libre à Cassandre de
Mornay et au seigneur de Saveuse, champion de la duchesse de Montpensier, l’un
défendant et l’autre assailli, pour mettre fin par armes au différend d’honneur
dont entre eux est question, déclara Mornay.
C’était la formule rituelle des duels en champ
d’honneur.
Il s’écarta, laissant les deux adversaires, déjà
l’épée haute, face à face. Aucun des deux ne jura.
Dès l’annonce du duel, plusieurs lansquenets
étaient allés chercher leurs compagnons. Il y avait maintenant, autour des
duellistes, une dizaine de spectateurs avides du spectacle, plusieurs portant
des flambeaux pour mieux voir.
Saveuse commença par quelques battements de
lame, pour impressionner la jeune femme. Il ne souhaitait que l’égratigner pour
la contraindre à s’excuser.
En un éclair, Cassandre écarta la rapière du
jeune homme d’un coup de poignet et lui perça la gorge. Le gentilhomme guisard
s’écroula dans un gargouillement, la bouche recrachant tout le sang de son
corps.
La duchesse, blême, poussa un cri horrifié.
Cassandre remit la lame dans son fourreau et
se tourna vers la duchesse, le visage décomposé. Sa rage avait fondu.
— Vous avez eu de la chance d’avoir un
homme tel que M. de Saveuse, madame, dit-elle avant de quitter la
pièce.
Olivier comprit ce qu’elle éprouvait : elle
n’avait pas souhaité la mort de cet homme. Il la suivit.
Mornay brisa le silence en ordonnant à Heinz :
— Prenez quelques hommes et transportez
les cadavres sur le chemin, devant le porche, ainsi que ceux qui sont à la cave.
Demain, je demanderai au prêtre de faire ensevelir le fermier et ses gens. Quant
aux soldats de Mayenne, vous les porterez à la Charente et les jetterez dans le
fleuve. Ah, Caudebec ! As-tu trouvé notre homme ?
— Non, monsieur, tout est fouillé et il n’est
pas ici. En revanche un prisonnier a reconnu son écuyer parmi les cadavres.
— Madame, votre liberté était en échange
de la reddition de vos gens, dit sévèrement Mornay en se tournant vers la
duchesse. Il en manque un, donc le marché est rompu et je vais vous pendre.
— Non ! hurla-t-elle. M. Maurevert
n’est pas là, il est parti après le souper, avec quelques-uns de mes hommes.
— Où ?
— Je ne sais pas, je le jure sur les
Évangiles… glapit-elle.
— Caudebec, trouve des cordes et
pends-les tous aux merlons de l’enceinte.
— Non ! cria la duchesse dans un
sanglot. Il… prépare un attentat contre monseigneur de Navarre, il n’a pas
prévu de revenir… L’attentat aura lieu à Saint-Brice.
— Que va-t-il faire ?
— Une explosion… Il a pris plusieurs
tonnelets de poudre.
Mornay regarda Caudebec, puis Olivier qui
venait de rentrer avec Cassandre. Sa fille avait les yeux rougis de larmes et
jeta un regard sombre à la sœur de Guise.
Il était bien possible que Maurevert n’ait
rien dévoilé de ses intentions, se dit-il en réfléchissant sur la conduite à
tenir. Il fallait maintenant qu’il prévienne le roi de Navarre. Quant aux gens
de Mayenne, ils pouvaient maintenant aller se faire pendre ailleurs.
— Vous, quel est votre nom ? demanda-t-il
à l’un des hommes de la duchesse, devinant à sa tenue qu’il était officier.
— Cabasset, capitaine de M. de Mayenne.
— Monsieur Cabasset, rassemblez vos
hommes dans la cour. Vous partirez à pied, sans armes ni bagages. Je vous
laisse trois chevaux. Un pour vous, un pour madame la Duchesse et un pour sa
dame de compagnie. Vous irez vous
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