La Guerre Des Amoureuses
affectueusement. Ils s’approchèrent
aussitôt, avides de savoir comment elle s’était évadée.
Elle leur raconta donc son enfermement, comment
elle avait reconnu Maurevert, puis Rouffignac.
— Vous vous en souvenez, François ? demanda-t-elle
à Caudebec. C’était le jeune homme que Hans et Rudolf voulaient pendre quand la
bande de son frère nous avait attaqués près de la Dordogne.
— Bien sûr !
Cassandre raconta alors à Olivier ce qui s’était
passé, éclairant un passage de sa vie qu’il ne connaissait pas.
— Mais comment ce Rouffignac était-il là ?
demanda M. de Mornay.
Elle lui répéta ce que le jeune brigand lui
avait dit.
— Monsieur de Rouffignac avait décidé de
m’aider à m’évader pour me remercier de lui avoir laissé la vie sauve. Il
savait aussi que le gentilhomme qui m’avait porté la fausse lettre avait pris
le château de sa famille et passé ses proches au fil de l’épée. À Périgueux, il
l’a donc poignardé sans états d’âme un jour où tout le monde était à la messe, et
nous avons pris la fuite ensemble…
— C’est là que tu échangeas ton manteau, sourit
son père.
— Comment le savez-vous ?
— Nous avons rencontré le pèlerin qui le
portait, c’est ainsi qu’on a trouvé ta piste !
— Après, tout a mal tourné, poursuivit-elle,
le cœur serré.
Elle raconta les larmes aux yeux la terreur qu’avait
éprouvée Rouffignac devant les loups, puis sa terrible mort.
— Ensuite, j’ai été reprise, puis
enfermée dans des conditions effroyables jusqu’à ce que vous me délivriez.
C’est après avoir mangé leur viande sur les
tranches de pain que M. de Mornay s’adressa à Olivier. Ayant constaté
que le jeune homme s’était conduit valeureusement dans la bataille, il lui
annonça qu’il le prenait à son service comme écuyer, et pas seulement comme
secrétaire. Ainsi, il le traitait presque en gentilhomme.
— Vous m’accompagnerez dans mes
chevauchées, monsieur Hauteville, et vous serez plus souvent en campagne qu’à
Montauban. Ce sera une vie rude et dangereuse, mais qui vous permettra de faire
vos preuves.
Olivier comprit que s’il se montrait digne de
sa fille, M. de Mornay ne refuserait pas une union et il en fut
bouleversé. Cassandre lui prit la main et la porta à ses lèvres.
Puis vint le temps de la séparation. Les
lansquenets partirent rejoindre leur campement et leur famille, et Mornay
rentra à Jarnac prévenir le roi de Navarre du succès de son entreprise. Nicolas
Poulain voulait rester encore sur place, avec Venetianelli et Olivier, et
promit à M. de Mornay de le rejoindre un peu plus tard, dans la
journée.
Il avait l’intention de récupérer les vases
sacrés de l’abbaye que Ludovic Gouffier avait découverts. Nicolas n’en avait
pas parlé à ses amis. Il le fit quand ils furent seuls avant de se rendre dans
la pièce au four.
Descendus à nouveau dans le souterrain, ils en
remontèrent une dizaine d’objets : des vases d’argent, un crucifix
incrusté de pierres précieuses et quelques médailles. Nicolas proposa qu’ils
revendent le tout à un orfèvre de Jarnac qui les fondrait. Selon Venetianelli, qui
s’y connaissait, ils devaient pouvoir en tirer un millier de livres, ce qui, avec
les sept cents écus d’or trouvés dans la ceinture de cuir de ce pauvre Ludovic
Gouffier, triplerait leur part de butin.
Le soir, à Jarnac,
M. de Mornay présenta sa fille au roi de Navarre après qu’elle se fut
lavée et pimplochée. Elle revêtit la plus belle robe de la duchesse de Montpensier,
ainsi que ses bijoux, et le Béarnais, pour la seconde fois qu’il découvrait
Cassandre, tenta vainement de lui conter fleurette.
Pour cette audience, il n’y avait pas que M. de Mornay
et sa fille. Étaient aussi présents Olivier et Il Magnifichino , plus
magnifique que jamais dans un pourpoint emprunté à feu M. de Saveuse.
En revanche, Nicolas Poulain était resté dans la minuscule chambre que Mornay
avait louée chez un tailleur de la ville. Certes, le Béarnais et quelques-uns
de ses capitaines l’avaient vu, quand il avait été capturé, mais au château de
Jarnac, durant une audience publique, il y aurait autrement plus de monde, et
certainement des espions. S’il voulait rester insoupçonnable pour la Ligue, Nicolas
ne devait pas s’y montrer.
Dans la grande salle du château, en présence d’une
grosse centaine de gentilshommes protestants, le
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