La Guerre Des Amoureuses
Restait son fils Henri. Si la prophétie était vraie, il
lui restait trois ans. Après, la couronne de France passerait au Béarnais
Navarre, et aux Bourbon.
La divinité astrale était-elle implacable ?
avait-elle demandé à Nostradamus. Bien qu’embarrassé, le mage lui avait assuré
que les hommes gardaient toujours leur destinée en main et que les prophéties
pouvaient être dénouées. Catherine de Médicis avait décidé de le vérifier.
Ainsi, après qu’un astrologue lui eut annoncé
qu’elle mourrait près de Saint-Germain, elle avait quitté le Louvre – qui se
trouvait dans la paroisse de Saint-Germain –, pour un nouvel hôtel qu’elle
avait fait construire dans la paroisse de Saint-Eustache. Par sa propre volonté,
elle ne craignait désormais plus rien de Saint-Germain. Pouvait-elle
recommencer à contrecarrer la destinée ? Elle observait que Guise
connaissait la prédiction de Nostradamus qui n’annonçait pas la venue des
Lorrains sur le trône. Pourtant, il agissait comme si elle n’existait pas. Ce
diable d’homme jugeait donc possible de se jouer de cette prophétie. Il n’y
avait aucune raison pour qu’elle n’en soit pas elle aussi capable.
En ce début d’année 1586, après des semaines
de réflexions, elle avait jugé que l’un des deux Henri qui disputaient le
royaume à son fils devait se rallier… ou disparaître. Au cours des mois
précédents, elle avait rencontré Guise à plusieurs reprises et deviné qu’il ne
se rallierait jamais, malgré Mme de Sauves, une de ses dames d’honneur,
qu’elle avait mise dans son lit. Et comme il était toujours entouré de fidèles
et souvent loin de Paris, elle n’avait aucun moyen de le faire assassiner. Au
demeurant, elle nourrissait quelque affection pour le duc, né le même jour que
son fils Charles IX, et dont la mère était son amie. D’ailleurs, quand
bien même elle l’aurait fait tuer, son frère Charles de Mayenne aurait pris sa
place.
En revanche, rien ne l’attachait à Navarre
dont elle avait détesté la mère Jeanne d’Albret, au point de l’avoir fait
empoisonner. Certes, il était son gendre, mais ce mariage n’avait été arrangé
que pour mettre fin à la guerre et n’avait désormais plus d’intérêt. Elle
devait donc s’intéresser uniquement au Béarnais. S’il acceptait de se convertir,
il serait accepté comme héritier du royaume. Son fils le ferait revenir à la
Cour et le duc de Guise perdrait le soutien des catholiques qui refusaient
Navarre comme roi uniquement parce qu’il était hérétique. Guise serait
contraint de s’incliner et la paix reviendrait en France.
Cette solution était simple et facile à mettre
en œuvre. Navarre avait changé tellement de fois de religion qu’il ne serait
pas difficile à convaincre, surtout si elle lui faisait miroiter tous les
avantages qu’il obtiendrait de son retour dans la religion du roi.
Catherine avait une autre idée en tête. Sa
fille Marguerite n’avait pas l’étoffe d’une reine. Non seulement elle ne vivait
pas avec son époux, mais elle scandalisait le monde avec ses innombrables
amants. Mettre fin à ce mariage serait salutaire. Après tout, Henri de Navarre
n’avait-il pas assuré qu’il n’avait jamais été consommé et que Marguerite avait
été forcée à l’épouser ? L’annulation papale n’en serait que plus facile.
Une fois libre, le Béarnais pourrait à nouveau
convoler en justes noces. Marieuse hors pair, Catherine de Médicis avait déjà
trouvé sa nouvelle épouse : Christine de Lorraine, sa petite-fille
préférée. Christine était l’enfant de sa fille Claude et du duc de Lorraine, parent
des Guise. Elle vivait près d’elle. En l’épousant, son (ancien) gendre
entrerait dans la famille des Lorrains, ce qui conforterait la paix.
Ce mirifique projet présentait pourtant un
petit défaut. Christine était laide, et Navarre n’en tomberait jamais amoureux…
Sauf si Ruggieri intervenait. Cosimo Ruggieri était son astrologue. C’était l’homme
le plus talentueux dans la fabrication des philtres. C’est lui qui avait fourni
à Isabeau de Limeuil le philtre nécessaire pour que Louis de Condé tombe
amoureux d’elle. Il n’y avait qu’à utiliser le même breuvage.
Bien sûr, si cette entreprise échouait, si
Navarre refusait la conversion, il n’y aurait plus qu’à le faire disparaître. Son
successeur, Condé, le fils de Louis, serait incapable de diriger la
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