La Guerre Des Amoureuses
roi avait été contraint par le Balafré
de prendre un nouvel édit contre les huguenots leur ordonnant de se convertir à
la religion catholique ou de sortir du royaume. Quelques jours plus tard, les
Parisiens avaient assisté au départ d’un grand convoi d’artillerie, de boulets
et de poudre qui partait rejoindre les puissantes forces du duc de Mayenne dans
l’Ouest. C’était cette armée formidable qui avait chassé le prince de Condé du
pays angevin. Pourtant, cette écrasante victoire n’avait pas été souhaitée par Henri III
qui se savait à la merci du duc de Guise. Désormais, on l’abandonnait jusque
dans son entourage proche et on murmurait que même son beau-frère, le duc de
Joyeuse, avait rejoint la Ligue.
Si pendant des années il y avait eu en France
un État guisard, un État royal, et un État protestant d’à peu près égale
puissance, tout avait changé au profit du duc de Guise. Le roi n’était le
maître que dans son Louvre et les terres protestantes se réduisaient à la
portion congrue. En décembre, le duc de Mayenne avait quitté Poitiers pour la
Gascogne. Malgré l’hiver, la peste et les chemins quasiment impraticables, son
armée était arrivée jusqu’au Béarn en semant la ruine sur son passage.
À Paris, la misère régnait, et même la mort du
poète Ronsard n’avait pas intéressé les habitants qui ne songeaient plus qu’à
survivre. Pour financer la guerre contre les huguenots, le roi levait sans
cesse de nouveaux impôts dont les ligueurs disaient qu’ils n’allaient qu’à ses
favoris.
D’impôts et de tributs, le royaume est tout
plein,
Et le peuple irrité s’irrite de vengeance, lisait-on dans les libelles.
La mère du roi, Catherine de Médicis, avait
toujours soutenu le duc de Guise, persuadée qu’il serait un allié fidèle comme
il l’avait été pour son fils Charles IX. Les événements des derniers mois
de l’année 1585 lui avaient dessillé les yeux. Elle était maintenant convaincue
que le Balafré ne songeait qu’à déposer son enfant pour le remplacer par le
cardinal de Bourbon avant de se faire proclamer roi à son tour comme descendant
de Charlemagne.
Le pamphlet qui circulait dans Paris, intitulé Le Vrai Fond du dessein des Lorrains et de Mme la Ligue, ne cachait
pas les intentions d’Henri de Guise :
Nous prendrons les armes. Nous dirons que c’est
au huguenot que nous en voulons, mais ce sera au roi. S’il aide le roi de
Navarre, il est perdu, et s’il ne l’aide pas, encore plus. Car nous ferons
prêcher qu’il est huguenot lui-même et qu’il favorise les hérétiques. Nous le
ferons excommunier par le pape, nous le rendrons si odieux que nous nous en
déferons aisément.
Comment sortir de cette nasse ? s’angoissait-elle
chaque jour, seule dans son oratoire. Elle avait presque soixante-dix ans [24] . Arrivée en France cinquante ans plus tôt, elle dirigeait le royaume à
travers ses fils depuis la mort de son mari Henri II, lors de ce funeste
tournoi [25] .
Les protestants venaient de tenir
clandestinement leur premier synode à Paris. Son époux l’ayant appris, il avait
décidé de sévir contre ceux qu’on appelait déjà les hérétiques et avait ordonné
l’arrestation d’Anne du Bourg, conseiller au parlement et calviniste.
Devenue veuve avec quatre jeunes enfants – son
fils François, le nouveau roi, n’avait que quinze ans – elle avait dû choisir
sur quelle famille puissante s’appuyer. Elle craignait le protestant Antoine de
Bourbon, héritier si ses fils disparaissaient, aussi avait-elle donné sa
confiance au cardinal de Lorraine, Louis de Guise, partisan d’une alliance avec
l’Espagne et qui n’avait aucune prétention au trône.
C’est lui qui avait décidé de faire pendre
puis brûler Anne du Bourg. Elle ne s’y était pas opposée et cette mort avait
marqué le début de trente ans de guerre. Rien n’avait pu ensuite arrêter la
marche vers l’abîme.
Quelques protestants guidés par le frère d’Antoine
de Bourbon, Louis de Condé, avaient tenté de se saisir de son fils à Amboise [26] . Après leur échec, la répression des Guise avait été impitoyable. Les
conjurés avaient été pendus, noyés, décapités, exposés aux merlons du château d’Amboise.
Le prince de Condé, arrêté, avait été condamné à mort.
Charles n’avait que dix ans quand son fils
François était mort. La régence revenait à Antoine de Bourbon et, pour qu’il ne
l’ait pas,
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