La Guerre Des Amoureuses
rarement.
Il ne précisa pas que les réunions étaient
désormais limitées au conseil des seize, ce qui expliquait que Poulain n’y
était que très rarement invité. Il s’approcha de la fenêtre ouverte, la chaleur
dans la pièce était suffocante, et jeta un regard sur ses hommes qui l’attendaient
dans la rue. Puis, cherchant des yeux un siège et n’en trouvant pas, il s’assit
sur un coffre vermoulu.
— Comment se passe votre charge de
lieutenant du prévôt ?
— Bien, monsieur, je suis rentré de
chevauchée hier…
Mayneville lui coupa la parole :
— Ce que je vais dire ne doit pas sortir
d’ici… Mais je sais que vous êtes un homme de confiance, un homme loyal…
— En effet, répondit Poulain, en songeant
combien Mayneville était peu perspicace.
— Mme la Reine Mère envisage de
rencontrer Navarre afin de le convaincre d’abandonner l’hérésie…
— Ce serait sans doute une bonne chose
pour le royaume, monsieur.
Une ombre de mécontentement traversa le visage
de M. de Mayneville.
— Vous croyez ? Ce n’est pas ce que
pense Mgr de Guise ! Mais peu importe puisque Navarre n’acceptera jamais. Il
a trop peur de perdre ses derniers fidèles.
Poulain ne sut que répondre, il hocha
simplement la tête. Que lui voulait l’homme de confiance des Guise ?
On gratta à la porte. C’était Marguerite qui
revenait avec deux gobelets et un flacon de vin de Montmartre frais. Elle
servit les deux hommes avant de se retirer.
Mayneville vida le sien d’un coup, claqua de
la langue pour marquer sa satisfaction et poursuivit :
— M. de Montaigne, un ami de la
reine, a porté la réponse du Béarnais. Celui-ci accepterait l’idée d’une
rencontre, uniquement s’il y a une trêve générale. Bien sûr, cette trêve, Mgr
de Guise devrait aussi l’autoriser…
— Certainement…
— Mme de Médicis en a donc
parlé à son amie, Mme de Montpensier, laquelle a transmis la
proposition à son frère.
Poulain hocha la tête sans pour autant
comprendre pourquoi M. de Mayneville venait chez lui pour lui
raconter tout cela.
— Mgr de Guise est agacé et préoccupé. Il
ne veut pas d’une trêve qui permettrait uniquement à Navarre de se renforcer. Mais
il lui est difficile de s’opposer à la paix… Par ailleurs, Mgr sait bien que
Navarre ne se convertira pas, et il sait que Catherine de Médicis le sait. Alors
pourquoi une rencontre ?
— Je l’ignore, monsieur, répondit Poulain
comme la question restait en suspens.
— Mgr devine qu’il y a là quelque
entreprise qu’il lui faut percer. Il pourrait accepter cette trêve s’il y avait
quelqu’un à lui près de Catherine de Médicis pour l’informer sur ce qui se
prépare.
— Mais il y aura sans doute sa sœur, Mme de Montpensier…
— Sans doute. Simplement, elle pourrait
avoir besoin d’un homme disposant de pouvoirs de police… S’il y avait crime.
— Crime ? s’exclama Poulain.
Une idée lui traversa soudain l’esprit. Mayneville
songeait-il à lui ?
— Oui, vous ! sourit Mayneville qui
avait percé l’expression de son visage.
— Mais… comment ? bredouilla Poulain.
— Quand madame la Reine Mère se déplace
avec sa maison, un lieutenant du grand prévôt de France l’accompagne comme
prévôt de l’hôtel. Vous ne l’ignorez pas, il a juridiction quant à la sûreté, à
la subsistance et au bon ordre de la maison de la reine. Il traite des causes
civiles entre les officiers, les domestiques et les commensaux, et plus
généralement entre ceux qui suivent la Cour.
— Mais je suis lieutenant du prévôt d’Île-de-France,
monsieur.
— M. de Guise souhaite demander
pour vous une charge par commission. En contrepartie, vous informeriez Mme de Montpensier
de tout ce que vous apprendriez. Elle pourrait aussi s’appuyer sur vous en cas
de besoin.
Poulain hocha lentement la tête. Mayneville
lui demandait d’être l’espion de Guise dans la maison de Catherine de Médicis. Mais
était-ce seulement cela qu’on voulait de lui ? Si Mme de Montpensier
accompagnait la reine, elle aurait autour d’elle plusieurs personnes de
confiance. Nicolas Poulain devinait que le duc de Guise voulait plutôt que le
prévôt de l’hôtel soit à ses ordres. Pour quelle raison ? Que préparait-il ?
Envisageait-il d’assassiner Henri de Navarre ? Et la reine mère, pourquoi
voulait-elle rencontrer Navarre alors qu’elle savait qu’il ne se
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