La Guerre Des Amoureuses
M. de Mayneville s’étaient présentés à la maison
du banquier. M. Sardini n’avait laissé entrer chez lui que Mayneville et
deux des hommes qui l’accompagnaient. Il ne laissait jamais une troupe armée pénétrer
dans sa banque, même si celle-ci était protégée par une importante garde.
Les deux hommes qui accompagnaient Mayneville
étaient M. Robert Letellier, ancien drapier, trésorier de la maison du duc
de Guise à Paris, et Jehan Salvancy, receveur général des tailles en fuite
recherché par le lieutenant civil pour les fraudes qu’il avait commises.
M. Salvancy venait dire au banquier qu’on
lui avait rapiné ses quittances et qu’il voulait reprendre son argent. M. Sardini,
feignant la surprise, lui avait répondu que ses quittances avaient été
présentées au paiement, signées et cachetées, comme le contrat passé entre eux
l’exigeait. Il les avait donc payées sans barguigner.
Salvancy avait assuré qu’elles ne pouvaient
avoir été cachetées de son sceau, aussi Sardini lui avait montré les documents.
Le receveur avait alors juré qu’il s’agissait de faux, mais le premier commis, appelé
comme témoin, et même M. Letellier, avaient reconnu que la marque des
quittances était identique au modèle imposé dans le contrat.
Quand Mayneville avait demandé qui s’était
fait payer les quittances, le mari d’Isabeau avait répondu qu’il ne le
connaissait pas, mais qu’il s’était présenté comme un commis de M. Robert
Letellier. Comme il avait déjà payé cinq cent mille livres dans les mêmes
circonstances, il n’y avait pas trouvé malice.
Salvancy avait juré qu’il porterait l’affaire
devant le parlement, mais le banquier savait que ce n’était qu’une vaine menace,
puisqu’il était recherché par la justice. Mayneville avait aussi compris qu’ils
avaient été abusés et, avant de partir, il avait promis à Scipion Sardini qu’il
subirait la vengeance des Guise.
Au cours des semaines qui avaient suivi, tous
les proches des Lorrains avaient retiré leurs dépôts de chez le banquier et
ceux qui avaient obtenu des prêts avaient cessé de les rembourser. Depuis le
début de l’année, la situation financière de la banque était devenue intenable
et M. Sardini avait supplié le roi de lui venir en aide.
Au sein d’une Cour où l’affairisme était
prodigieux, il était habituel de solliciter ainsi le souverain. Comme Henri III
était trop pauvre pour distribuer des pensions, il donnait des bénéfices
ecclésiastiques, des offices, des charges d’intermédiaires dans toutes sortes
de transactions, ou encore des participations dans les fermes d’impôt. Celle
des gabelles, par exemple, laissait la moitié des gains à l’affermeur. Elle
avait été donnée à un groupe de traitants comprenant O, Cheverny et le duc de
Joyeuse. Charlotte de Sauves, en récompense de ses services galants, avait
obtenu l’affermage des greffes du parlement de Montpellier.
Henri III avait promis à Sardini qu’il
lui confierait le recouvrement d’un nouvel impôt sur les procureurs et les
conseillers au Châtelet. Pour continuer à exercer, ces magistrats devraient en effet
acheter une lettre de confirmation de deux cents écus. Sardini encaisserait le
produit de la vente, et en garderait le denier huit [50] .
Seulement le parlement avait refusé d’enregistrer
cet arrêt.
— J’ai
conseillé à mon fils de tenir un lit de justice pour contraindre le parlement à
enregistrer les édits sur les nouveaux impôts. Cet affermage serait le bienvenu
pour soulager les finances de votre époux… poursuivit la reine mère.
— Certainement, madame, et je vous en
remercie, s’inclina Isabeau de Limeuil.
— Dans quelques semaines, je vais partir
avec ma maison à Chenonceaux. J’aurais plaisir à vous avoir près de moi.
— Moi, madame ?
— Ce pauvre royaume souffre trop. Je
souhaite rencontrer Henri de Navarre et lui faire des propositions de paix. J’espère
qu’il viendra jusqu’à Chenonceaux, sinon nous irons jusqu’à Loches. Le voyage
sera long et ennuyeux et vous m’aiderez à passer le temps. Nous nous
remémorerons le passé…
— Si vous le souhaitez, madame, s’inclina
Isabeau, cette fois avec froideur.
— Votre mari a la confiance d’Henri de
Navarre, m’a-t-on rapporté, fit la reine d’un ton plus dur.
— Je ne connais rien à ses affaires, madame,
répondit Isabeau d’une voix égale.
— Mon fils est en
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