La Guerre Des Amoureuses
certains ne seront qu’apparences pour dissimuler la débauche
et les dérèglements. Méfiez-vous des dames d’honneur qui tenteront de vous
prendre dans leurs filets, vérifiez les rumeurs que vous entendez, ne croyez
jamais vos amis, ou ceux qui se feront passer pour tels.
» Je mettrai à votre disposition quelques
dizaines de Suisses de l’hôtel qui vous seront plus fidèles que les gardes de
la reine.
Poulain eut l’impression que Richelieu voulait
ajouter quelque chose, mais qu’il ne pouvait le faire à cause de Rapin qui
ignorait les vraies raisons de sa nomination. Le grand prévôt le fixait avec
sévérité, certainement pour lui faire passer un autre message. Il comprit qu’il
voulait lui rappeler qu’il serait l’espion du roi dans cette Cour, même s’il
était aux ordres de Mme de Montpensier, et que personne ne devait
deviner qu’il trahissait les Guise.
— Je crois que madame la Reine vous
attend, monsieur Poulain, dit finalement Richelieu, laissant entendre que l’entretien
était terminé. M. Rapin va vous introduire auprès d’elle.
Ils quittèrent l’hôtel du prévôt à cheval et
sans escorte. En chemin, Rapin raconta à Poulain quelques anecdotes sur la cour
de la reine, essayant aussi de savoir pourquoi la reine mère avait demandé qu’il
soit prévôt à sa place. Poulain resta évasif, expliquant que certains de ses
amis avaient proposé son nom, car ils voulaient l’aider à avancer à la Cour. Rapin
ne le crut guère mais accepta l’explication. Après tout Poulain avait bonne
réputation et Richelieu approuvait sa nomination. Le reste ne le regardait pas,
d’autant qu’il n’avait aucune envie d’aller à Chenonceaux.
À l’hôtel de la reine, Rapin fit annoncer leur
venue par un maître d’hôtel. On les fit attendre deux grosses heures sur une
banquette avant de les laisser pénétrer dans le cabinet de Catherine de Médicis.
Entièrement en noir, elle les reçut sur un
fauteuil tapissé. La pièce était plutôt de petite taille et entièrement
lambrissée. La reine mère était seule. Rapin et Poulain s’agenouillèrent puis, sur
un signe, se relevèrent.
— C’est donc vous, monsieur Poulain ?
demanda-t-elle sans marquer beaucoup d’intérêt.
— Oui, Majesté.
— M. Rapin vous a informé de votre
service ?
Sans attendre de réponse, elle poursuivit d’un
ton qui sonnait comme une menace :
— J’attends de vous efficacité et
fidélité.
En même temps, elle examinait avec attention
Nicolas.
— Vous serez satisfait de moi, madame, promit-il.
— Vous êtes lieutenant de M. Hardy, c’est
cela ?
— Oui, Majesté.
— Prévôt à la Cour est très différent de
prévôt des maréchaux, vous vous en doutez. Êtes-vous noble ?
— Non, madame. J’ignore qui est mon père.
Pour la première fois depuis le début de l’entretien,
la reine sembla intéressée.
— Expliquez-moi ça…
— Ma mère était servante, madame. Elle a
été engrossée et, même sur son lit de mort, elle a refusé de me révéler le nom
de mon père.
— Comment êtes-vous devenu prévôt ?
— Ce devait être quelque riche ou noble
personnage et il ne nous a pas abandonnés. Il a acheté à ma mère la maison où
je vis et lui a laissé une petite rente pour que je fasse des études. Quand j’ai
eu vingt-deux ans, il m’a fait porter une lettre de provision pour la charge de
lieutenant de prévôt et une dispense d’âge puisque je n’avais pas vingt-cinq
ans.
L’histoire tira un sourire de la Florentine. Ce
père devait être quelqu’un d’important, se dit-elle, car les dispenses d’âge
pour les offices étaient signées par le roi et le chancelier. Finalement ce
Poulain que la Montpensier lui avait imposé était peut-être plus intéressant
que prévu. Il serait facile de savoir qui avait demandé cette dispense…
— Vous n’avez jamais cherché à savoir qui
il était ?
— J’ai essayé, madame, tant je voulais le
remercier de sa bonté, mais je n’y suis pas parvenu.
Elle resta pensive. Si elle découvrait l’identité
de son père, elle pourrait manipuler ce prévôt à sa guise. Et si ce père était
encore vivant, le fait qu’elle connaisse l’existence de son fils bâtard pouvait
aussi être fort utile…
— Dans quelles maisons votre mère
avait-elle travaillé ?
Il lui énuméra celles qu’il connaissait, mais
la reine parut se désintéresser de son histoire. Elle
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