La Guerre Des Amoureuses
s’interrompit et regarda les deux femmes
avec surprise tant il était rare que la reine vienne chez lui accompagnée.
— Ma cousine souhaite vous poser quelques
questions, répondez-lui comme à moi-même…
L’astrologue s’inclina, autant par respect que
pour dissimuler sa surprise. Que voulait la sœur du duc de Guise ? La
reine ne faisant pas mine de se retirer, la duchesse lui proposa obligeamment d’écouter
ce qu’elle avait à dire à l’astrologue. Catherine lui répondit par un sourire
et un hochement de tête.
— Maître Ruggieri, demanda la sœur de
Guise, c’est parce que j’ai toute confiance en vous et dans Sa Majesté que je
viens vous interroger. Une amie qui m’est chère a constaté la disparition d’objets
personnels…
L’astrologue leva un sourcil d’étonnement. Allait-on
lui demander de les retrouver ?
— Lesquels, madame ?
— Des lettres, du linge intime… Mon amie
a entendu dire que de tels objets sont parfois utilisés pour pratiquer des
envoûtements…
Le mage blêmit légèrement.
— Pourrais-je savoir qui est cette amie, madame ?
— Non, elle souhaiterait seulement savoir
si de tels envoûtements sont possibles…
Le mage se passa la main droite dans la barbe
pour dissimuler son embarras.
— Le monde a des mystères qui nous
échappent, madame, répondit-il prudemment.
— Mais encore… s’impatienta la duchesse.
— Votre amie est-elle malade ? Souffre-t-elle ?
— Non.
— Elle n’a donc pas à s’inquiéter, madame.
— Il n’y a pas que la douleur, maître
Ruggieri, vous ne l’ignorez pas. Ce que craint mon amie, c’est que de tels
envoûtements la contraignent à agir contre sa volonté, est-ce possible ?
Catherine de Médicis écoutait ce dialogue avec
une certaine inquiétude. La sœur de Guise aurait-elle deviné son dessein au
sujet de Navarre ? Sans doute pas, d’ailleurs, elle n’avait pas envisagé
un envoûtement pour son gendre. Mais alors, pourquoi ces questions ? Craignait-elle
d’être envoûtée ? Ou son frère ?
— C’est possible, madame.
— Comment cela est-il possible ?
— Je l’ignore, madame, répondit plus
sèchement l’astrologue. Par le passé, j’ai été accusé à tort de telles
pratiques bien que je les réprouve. J’ai même été injustement condamné…
— Je le sais, maître Ruggieri, répondit
la duchesse avec une douceur feinte. Je le sais, mais je n’ai confiance qu’en
vous.
Elle poursuivit avec prudence, en évitant de
regarder la reine. Après tout elle allait maintenant parler de sa fille
Marguerite… Margot !
— On avait trouvé chez M. de La
Mole une statue de cire utilisée pour se faire aimer d’une certaine dame, certainement
contre sa volonté…
L’astrologue jeta un regard interrogateur vers
Catherine de Médicis qui opina imperceptiblement.
— M. de La Mole avait agi ainsi
pour se faire aimer d’une dame si haut placée à la Cour qu’il n’aurait pu la
séduire autrement. Il avait percé le cœur d’une statuette de cire la
représentant avec une pointe trempée dans un philtre formé d’un mélange de
mandragore, de crapaud desséché, de cheveux et de poudres d’objets qui lui
étaient chers, comme des lettres d’amour, répondit le mage.
La duchesse eut un triste sourire, marquant
son inquiétude.
— Comment se préserver d’un tel sort si
diabolique ? s’enquit-elle.
— Par la prière, madame, et la sainte
communion. Dieu est plus puissant que tous les maléfices.
La sœur du duc de Guise resta silencieuse, se
demandant s’il était aussi possible par la prière de dénouer le sort qu’on lui
avait jeté, ce sort effroyable qui faisait que les hommes ne s’intéressaient
plus à elle. Elle se promit d’essayer.
— Je parlerai de tout cela à mon amie, maître
Ruggieri, décida-t-elle.
En la raccompagnant, Catherine de Médicis lui
posa quelques questions indirectes pour tenter d’en savoir plus, mais la
duchesse n’y répondit qu’évasivement. Son désir pour Olivier occupait
entièrement son esprit.
Au cours des deux derniers mois, elle s’était
plusieurs fois rendue à la messe de Saint-Merri. À chaque fois, elle avait
tenté d’attirer l’attention d’Olivier Hauteville, mais il l’avait toujours
ignorée. Après cette entrevue avec Ruggieri, elle était convaincue que son
domestique ne lui avait pas menti. Avec un charme, elle parviendrait à l’ensorceler.
Le samedi 28 juin,
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