La Guerre Des Amoureuses
Navarre. Mais à chaque fois, Henri III
leur répondait qu’il n’avait point de Jeanne d’Arc, et qu’hors de Paris il ne
serait plus rien.
— Je dois même me battre contre ma mère !
soupira-t-il enfin. Sardini vient de me raconter ce qu’elle a en tête.
Il répéta à O le récit du banquier.
— Ainsi ce serait Isabeau de Limeuil que
votre mère a prévue pour gagner la confiance de Navarre…
— Ce n’est pas un mauvais choix, rumina
le roi. Limeuil est une pécheresse repentie, elle a été la maîtresse de l’oncle
de Navarre. Cela peut toucher mon beau-frère, qui a aussi besoin de M. Sardini.
O ne répondit pas tout de suite. Il s’était
toujours interrogé sur le rôle de Sardini dans l’affaire des trois cent mille
écus repris à Jehan Salvancy que Mornay lui avait volés. La fille de Mornay, Cassandre,
s’était introduite chez Olivier Hauteville pour le convaincre de reprendre les
quittances du receveur des tailles, mais comment elle et son père avaient-ils
su que Salvancy se livrait à cette fraude ? Et pourquoi habitait-elle chez
Sardini ? Il n’y avait qu’une explication : c’est Sardini qui les
avait informés, et la Limeuil était déjà en relation avec eux. Mais Catherine
de Médicis le savait-elle ?
C’était bien possible, la reine mère avait
tant d’espions ! Dans ce cas pourquoi avait-elle choisi Isabeau de Limeuil
pour faire avaler un poison à Henri de Navarre ?
O sentait qu’il y avait là un mystère, et que
la reine était sans doute bien plus retorse que son fils ne le pensait.
— Une fois de plus votre intuition était
la bonne, sire. Que voulez-vous que je fasse ?
— Prévenez Richelieu. Si l’entrevue a
lieu, ce sera à Chenonceaux, mais la maison de ma mère restera quelque temps à
Blois. Juste avant que la reine ne quitte Blois, Il Magnifichino fera
parvenir à Mme de Limeuil une lettre lui ordonnant de revenir à Paris.
Sans Limeuil, ma mère sera comme une lionne qui a perdu ses griffes et son plan
s’écroulera.
O hésita à objecter. D’esprit retors, Catherine
de Médicis avait certainement prévu une remplaçante si Limeuil faisait défaut. Celle-ci
pouvait aussi ne pas obéir à l’ordre royal. Mais cela au moins, il pouvait le
régler facilement…
— Mme Sardini ne doit pas approcher
mon beau-frère. En aucune façon, répéta le roi. Maintenant, rattachez-moi ce
panier puisque la comédie n’est pas terminée…
Le lendemain, le marquis d’O se rendit chez le
grand prévôt de France pour lui faire part de la décision du roi.
— Sa Majesté vous fera parvenir la lettre
ordonnant à madame Sardini de rentrer à Paris. Vous la donnerez à Il
Magnifichino . En aucune façon madame Sardini ne doit aller à Chenonceaux et
approcher Navarre. Si Il Magnifichino découvrait qu’elle ne rentre pas à
Paris, il ferait ce que nous avons décidé.
C’est une dizaine de
jours plus tard que Nicolas Poulain fut convoqué par Richelieu. Le grand prévôt
le reçut en présence de Nicolas Rapin, lieutenant criminel de robe courte au
Châtelet et prévôt de l’hôtel de la reine. Il lui confirma que la reine mère l’avait
agréé et qu’il devait la rencontrer dans l’après-midi.
Il aurait la charge de prévôt par brevet pour
la durée du voyage. Nicolas Rapin garderait ses gages, mais lui reverserait
cent livres par mois. Il lui laisserait aussi son lieutenant et quatre sergents
dont il assurerait les gages. Poulain aurait bien sûr droit au produit des
amendes qu’il infligerait, en revanche il devrait payer le commis qui s’occuperait
des subsistances.
Plus âgé que Richelieu, Rapin était d’une
taille médiocre avec un bel embonpoint et un visage rubicond. Poulain savait qu’il
briguait la place du grand prévôt et que les deux hommes ne s’entendaient guère.
Contrairement à Richelieu, homme d’action, Rapin était un humaniste parlant
latin et ayant traduit l’Arioste. Tout l’opposait au violent Richelieu, tout
sauf une chose : leur fidélité sans faille au roi.
— C’est la charge des subsistances qui
est la plus lourde, expliqua le lieutenant criminel à Poulain d’une voix
nasillarde, mais vous pourrez vous reposer sur mon lieutenant et ses sergents, qui
sont des hommes fort expérimentés. La maison de la reine comprend plus de six
cents serviteurs, gentilshommes et dames de qualité. Bien sûr, tout le monde ne
participera pas à ce voyage, mais il y aura bien trois cents
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